Jusqu’au 2 mai 2022
#museeguimet
Musée Guimet, Espace de la Rotonde, 6 place d’Iéna, Paris 16e
Le musée Guimet s’empare d’une thématique à la mode : le yoga. Pour autant, il ne s’agit pas d’une exposition sur la pratique elle-même, mais plutôt sur ses origines et la place de l’ascète dans les traditions artistiques anciennes et contemporaines.
Fuir l’animation du monde apparaît très tôt comme un idéal dans les courants religieux indiens. Certainement car c’est un bon moyen d’échapper au cycle infernal des réincarnations, karma de tout homme ! Pour atteindre l’état d’éveil (nirvana), le bouddhisme et le jaïnisme proposent le repli monastique tandis que le brahmanisme choisit la voie du yoga afin de tendre vers un équilibre entre renoncement et vie mondaine. La mystique soufie s’est également appropriée ces traditions de l’Inde ancienne. Comme en témoignent des peintures miniatures dont la copie des 21 postures (asana) de yoga du manuscrit Bahr al-hayat, par des peintres moghols au 17e siècle.
La figure de l’ascète est ancestrale en Inde, et s’incarne en Shiva, dieu représenté coiffé d’un chignon tressé, la peau couverte de cendres. C’est un maître du yoga qu’il pratique sur le mont Kailasa, dans l’Hymalaya. Il s’unie avec la déesse Parvati, elle-même fervente pratiquante de l’ascèse et du yoga. Leur union, qui donne naissance au dieu Skanda, permet de sauver la Création des démons. Shiva représente ainsi à la fois le renoncement et l’acceptation d’une certaine vie mondaine, tension qui est au coeur de la pensée brahmanique.
« Cette dernière établit quatre stades dans la vie d’un homme », explique Vincent Lefèvre, co-commissaire de l’exposition. « La phase de l’étudiant (célibat, études), celle du chef de famille (vie maritale et pratique des rites), celle de l’ascète forestier (vie en marge de la société après l’obtention d’une descendance) et celle du renoncement complet (samnyasa, qui suppose l’abandon de la famille). Cette répartition reste théorique, notamment pour ce qui est du troisième ashrama, qui n’est pas obligatoire mais proposé. »
Tout au long de ces étapes, l’aspirant ascète pratique le yoga qui fait monter son énergie vitale. Assoupie comme un serpent « lové sur lui-même » (sens du mot kundalini), elle se diffuse le long du canal central (sushumna), en passant par des centres (chakras), grâce à des gestes de contention (bandha), des techniques vibratoires (sons, respirations) et la visualisation de certaines divinités (Ganesha, Brahma, Vishnu, Shiva). Cette pratique intense (hatha yoga signifie yoga de la force), l’ascète développe un esprit inflexible dans un corps délié. Il s’engage dans une voie extrême (exposition aux intempéries, jeune, exercices posturaux difficiles).
L’ambiance tamisée (pour des questions de conservation) de la Rotonde et le positionnement des oeuvres derrière des vitres épaisses ne permet pas d’admirer à leur juste valeur les oeuvres miniatures. Il faut soit venir avec sa loupe, soit prendre en photo puis zoomer sur son téléphone ! En revanche, on peut admirer pleinement un agrandissement du Corps subtil du yogi (Inde, vers 1800, gouache, deux bols à aumônes en coco-de-mer du 19e siècle (Inde ou Iran), une statue en bois de teck d’un Yogi pratiquant l’ascèse des « cinq feux » (Inde, 18e siècle) et une autre en bronze d’un personnage féminin agenouillé en attitude de respect (Thaïlande, 16e-17e siècle). Pour voir plus d’images, n’hésitez pas à nous suivre sur Twitter !