Ile de la Nouvelle-Irlande – Arts du Pacifique Sud
Jusqu’au 8 juillet 2007
Musée du quai Branly, Galerie Jardin, entrée par les 27,37,51 quai Branly ou 206,218 rue de l’Université 75007, 01 56 61 70 00, 8,50€
Le musée du quai Branly met à l’honneur l’art océanien, en particulier les majestueuses sculptures malagan. Dans l’intention de dévoiler quelques mystères des multiples traditions artistiques qui régissent l’île de la Nouvelle-Irlande.
Cent-trente objets, issus des collections des musées européens (Ethnologisches Museum de Berlin, Musée du quai Branly) et américain (Saint Louis Art Museum), dévoile la variété des formes et des matériaux utilisés. Ainsi que la diversité des expressions données pour représenter un visage et ses sentiments.
Mais tous – il s’agit par là-même d’une caractéristique de l’art mélanésien – sont fabriqués à partir d’éléments naturels: plumes, feuilles, coquillages, fougères, lichens, fourrures, algues, élitres de coléoptères. D’où la multiplicité des effets visuels, offrant une gamme du lisse au rude, du brillant au terne, du sable au mouvant.
Ces objets sont entrés dans les collections européennes et australiennes entre 1880 et 1914, en particulier les sculptures peintes malagan du nord de la Nouvelle-Irlande. Car, de tous les arts primitifs, celles-ci présentaient le plus grand degré de complexité technique. Ce qui fascinait les Occidentaux, surtout les musées ethnographiques – Allemagne, Australie, et dans une certaine mesure la France -, mais aussi les artistes avant-gardistes, tels les expressionnistes allemands, et après la guerre, les surréalistes français.
Les sculptures malagan, de formes colorées et relevant d’un codage de signes complexe, sont dévoilées lors de cérémonies funéraires, au cours desquelles les droits et les possessions des défunts sont transmis à la génération suivante.
« Objets efficaces, les sculptures sont des présences qui permettent de capter les forces de vie d’un défunt avant que celles-ci ne se dissolvent, ne disparaissent », commente l’un des commissaires de l’exposition, Philippe Peltier.
Un précieux documentaire – Malagan, la tradition en héritage – réalisé par Jean-Philippe Beaulieu et Jadzia Donatowicz explicite les rites de ces cérémonies funéraires, au nord de la Nouvelle-Irlande, qui se déroulent sur deux jours.
Premier jour
Danse et nettoyage du lieu de la cérémonie.
De nombreux porcs, spécialement engraissés, sont sacrifiés.
La cérémonie en elle-même peut alors commencer.
Dix-sept bois sculptés sont accrochés sur une maison d’exposition – sorte de très haute cabane – pour être « activés ». A leur pied reposent les porcs, afin qu’ils se nourrissent de la chair brûlée ainsi que des incantations anciennes chantées par les hommes. Les bois sculptés sont maintenant « activés » et deviennent des sculptures malagans à proprement parlé.
Un ancêtre donne une sculpture à un jeune enfant, qui ne la verra qu’une seule fois dans sa vie. A son tour, lorsqu’il sera adulte, il donnera son droit à un plus jeune. Quand il mourra, sa sculpture sera brûlée.
Deuxième jour
Il s’agit de concrétiser les échanges de la veille, avec comme monnaie, les porcs sacrifiés. Les Malagans se transforment en commerçants. Les uns paient leurs dettes contre un morceau de chair de cochons, les autres en contractent de nouvelles.
Nouvelles danses (singsing), créées pour l’occasion, et anciennes danses se mêlent.
Le droit sur les sculptures et les terres est réactivé. Le cycle de la vie peut se poursuivre au royaume malagan.
L’intérêt de l’exposition réside dans cette approche contextuelle qui permet de comprendre les conditions locales de la production d’un art virtuose et doté d’un pouvoir social. En effet, dans la période précoloniale, les Néo-Irlandais ne pouvaient s’élever dans la société que par la production et l’usage d’oeuvres au cours de rites – au nord, pour honorer les défunts; au sud, pour exercer un contrôle et une autorité sociales. La colonisation accompagnée de l’importation de marchandises occidentales, de la conversion au christianisme, et du recrutement de la main d’oeuvre locale envoyée travailler au Queensland (pour, le plus souvent, ne jamais en revenir), bouleversa les codes culturels existants.
Néanmoins, les commissaires de l’exposition – Philippe Peltier (conservateur en chef et responsable de l’unité patrimoniale des collections Océanie et Insulinde du musée du quai Branly), Michaël Gunn (conservateur-adjoint pour les Arts d’Océanie au Saint Louis Art Museum), et Markus Schindlbeck (conservateur des collections d’Océanie de l’Ethnologisches Museum de Berlin) -, qui ont réalisé leur propre enquête, précisent que même si certains objets ne sont plus fabriqués depuis des décennies, leur savoir-faire reste vivant. Non pas dans l’ensemble de la population, sous la forme d’une réalité objective des traditions culturelles de la Nouvelle-Irlande. Mais au sein de clans, survivant sous forme de fragments dans l’esprit de milliers d’insulaires.