Editions Le Serpent à plumes, août 2010, 267p., 17,50€
Encore un roman original et percutant sorti au Serpent à plumes. Vies d’Andy de Philippe Lafitte nous entraîne de New York à Paris, Londres, Rome, Florence, jusqu’aux confins de la Slovaquie et des Cyclades, pour suivre les états alcolo-dépressifs d’Andy Warhol. En quête d’une nouvelle vie posthume…
Quatrième roman de l’écrivain quadragénaire Philippe Lafitte – comme son blog l’explique, il a eu du mal à trouver sa voie (je vous recommande la version soi-disant « longue et ennuyeuse » de sa biographie) -, Vies d’Andy part de l’incroyable postulat que Andy Warhol, le « Pape du Pop Art » n’est pas décédé le 22 février 1987, d’une attaque cardiaque dans son sommeil, suite à une banale opération de la vésicule biliaire, au New York Hospital.
Non, tout ceci n’aurait été qu’une mise en scène, l’ultime mascarade d’un artiste qui ne supportait plus sa popularité. Après une intervention chirurgicale, Andy renaît sous le nom de Sandy Vazhoda, et s’enfuit en Europe, où elle découvre les plus belles toiles. Celles qu’elle/il n’a pas su réaliser du temps de sa postérité.
Cette quête artistique la mène aux sources de ses origines: la Slovaquie (ses parents étaient ruthènes), où l’auteur s’est personnellement rendu pour décrire l’atmosphère surrannée et terrorisante d’un pays dévasté par la guerre froide.
« Un ‘klong’ sonore retentit et un rideau métallique se déroula contre la fenêtre. Pavel continuait de parler sans s’attarder sur les visages effarés, regardant le volet descendre lentement dans un bruit de tôle mal lubrifiée. – Qu’est-ce qui se passe? demanda Sandy. Elle avait le regard fébrile de quelqu’un pris au piège. – Explique-toi Pavel, souffla Valerie. – Pas de panique, c’est tout à fait normal, sourit Pavel. Une mesure de sécurité de plus, vous connaissez les militaires. Sandy regardait le bandeau noir de la banlieue allemande rétrécir derrière la fenêtre jusqu’à n’être plus qu’une fente, puis l’ensemble de la baie vitrée acheva de ressembler à un rideau de fer. – C’est la seule solution possible, rapide et efficace. Vous ne pensiez pas franchir deux frontières et mille kilomètres en train de voyageurs? Il n’y a pas de tourisme en territoire soviétique. Pas comme vous l’imaginez, en tout cas. » (pp.163-164).
Obsédée par le vide physique – on ne devient pas femme sur un simple coup de bistouri!- et mentale qui est en elle, Sandy entraîne dans sa course névrotique Valerie Solanas, la jeune activiste révolutionnaire qui avait tenté de tuer Warhol en 1968, en lui tirant dessus à trois reprises dans le hall de la Factory. L’ancienne tueuse saura-t-elle reconnaître en Sandy sa victime travestie et vice-versa?
Construit comme un road movie, teinté de suspense psychologique et, naturellement, de ravissement esthétique, Vies d’Andy se dévore comme un roman de gare, mais de haute voltige! Seule la fuite juste avant le dénouement qui nous fait revivre les émotions du chute de la mur de Berlin ne paraît pas crédible. Comme si l’auteur avait voulu changé de fin au dernier moment et y avait laissé des plumes.