Van Gogh, rêves de Japon / Hiroshige, l’art du voyage
Jusqu’au 17 mars 2013
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-BILLET-COUPLE-VAN-GOGH—HIROSHIGE-VANHI.htm]
Pinacothèque de Paris, 8 rue Vignon et 28 place de la Madeleine, Paris VIII
Complètement inattendue, la relecture de l’oeuvre de Van Gogh (1853-1890) proposée par Marc Restellini est bouleversante. Le directeur de la Pinacothèque de Paris propose de confronter les oeuvres d’un des plus célèbres artistes au monde avec celles du Japonais Utagawa Hiroshige (1797-1858) et de dévoiler l’importance que ce dernier a exercé sur l’art de Van Gogh.
Loin de la simple copie de quelques estampes, l’exercice prouve – détails iconographiques à l’appui – l’inspiration que Van Gogh a puisé dans les images paisibles du maître de l’ukiyo-e (littéralement, « image du monde flottant »). Un comble quand on connaît l’esprit torturé de l’artiste hollandais! Mais, justement, ce dernier aspirait à la paix intérieure. Et quoi de mieux que de contempler des estampes japonaises pour faire ce voyage intime, conduisant à un état serein?
Les troubles psychologiques de Van Gogh (bipolarité, schizophrénie, délires hallucinatoires) le poussent à imaginer ce Japon fantasmé (à travers les estampes que lui et son frère Théo achètent au marchand Siegfried Bing, lui-même « fou du Japon »), dans le Sud de la France. Selon Sjraar van Heugten, commissaire de l’exposition et éminent spécialiste de Van Gogh, « on ne sait pas très bien comment lui était venue cette idée, même si la comparaison que faisait Hayashi entre le Japon et l’Italie lui avait peut-être fait supposer que le Midi dégageait une atmosphère comparable. »
Non seulement la représentation de la nature dans les estampes japonaises fait évoluer le style de Van Gogh et l’interprétation qu’il en fait, mais les figures dont il peuple ses paysages sont aussi inspirées des silhouettes japonaises. Un exemple frappant en est les deux paysannes du Vignoble vert (1888), qui portent un parapluie pour se protéger du soleil à l’instar des femmes japonaises.
Cette double exposition – les oeuvres de Van Gogh mises en regard de celles d’Hiroshige (Pinacothèque 2) et les séries d’estampes du maître de l’ukiyo-e (Pinacothèque 1) permet, en outre, de remettre à l’honneur Hiroshige, moins connu que son compatriote Hokusai (1760-1849). Tout en offrant au public occidental les clés de lecture des oeuvres orientales.
« Notre manière de voir une oeuvre en Europe et en Occident est finalement très superficielle, purement esthétique ou simplement intellectuelle », avance Marc Restellini. « La vision de l’art au Japon est très différente et un Japonais ne regarde pas une oeuvre comme un Occidental. Le Japonais s’attache moins à l’apparence, mais vit la vision de l’oeuvre comme un support de méditation. Une oeuvre est avant tout un prétexte à un voyage intérieur. Ainsi une estampe est un objet qui lui permet de pénétrer à l’intérieur de l’oeuvre. C’est la raison pour laquelle la perspective dans les gravures japonaises est si évidente et si profonde. Elle aide à accompagner l’oeil dans son voyage à l’intérieur de l’estampe ».
Cet exercice méditatif trouve sa source dans le bouddhisme qui met en garde contre les plaisirs des sens et rappelle que le monde, comme en témoigne le passage des saisons illustré dans les estampes de la période d’Edo (avant 1868), n’est qu’une illusion, un « monde flotttant »…
Il est certain que cette confrontation audacieuse fera parler les (mauvaises) langues. Tant cette approche est renversante et offre un regard complètement nouveau sur l’oeuvre de Van Gogh. Pour ma part, j’ai trouvé la démonstration particulièrement convaincante grâce aux détails iconographiques mis en avant sur un joli panneau à côté des oeuvres de Van Gogh et qui permettent de rendre évidente l’inspiration que Van Gogh a puisé dans l’art d’Hiroshige. Une exposition esthétiquement fascinante et intellectuellement stimulante ; exactement ce que j’aime!