Jusqu’au 8 juillet 2007
Nef du Grand Palais, Avenue Winston Churchill 75008, 4€
Créé sous l’impulsion du Ministère de la Culture et de la Communication, en particulier de la Délégation aux Arts Plastiques, Monumenta se veut un événement grandiose – comme le revendique son titre – avec un credo international, et novateur en terme de médiation. Un concept qui fait suite au développement des études d’un public, de plus en plus consommateur d’art.
Avec des horaires qui s’inspirent de ceux du Palais de Tokyo – midi/minuit du jeudi au dimanche, 10h à 20h le lundi et le mercredi (fermé le mardi) – et un prix d’entrée bas (4€ comprenant l’audioguide et l’accès à la programmation culturelle du jour), l’idée est d’attirer un public hétéroclite, qu’il soit connaisseur ou amateur d’art, adulte ou enfant (nombreux ateliers scolaires et pratiques). L’ambition des organisateurs va plus loin encore, en espérant que le visiteur reviendra plusieurs fois voir Monumenta et participera au forum de discussion ouvert sur le site internet.
Anselm Kiefer (né en 1945, à Donaueschingen, Allemagne) a choisi pour titre de cette première exposition Sternenfall (Chute d’étoiles). Un nom qui annonce toute l’ambiguïté et la dialectique de l’oeuvre de l’artiste. Celui-ci aime jouer sur les contrastes entre terre et ciel, vie et mort, l’émotionnel et l’intellectuel, le béton armé et la fragilité de la nature végétale. Une oeuvre qui s’appuie sur un canal de références littéraires, philosophiques, mythologiques, religieuses, historiques. Une oeuvre très dense donc qui est là non pour être simplement regardée, comme peut l’être la peinture, mais pour provoquer une réaction qui mobilise tous les sens du visiteur, pour le forcer à réagir, à se secouer, et in fine voir ce qui est essentiel. Pas une vérité universelle, mais au contraire une perspective qui est propre à chacun, en fonction de son histoire personnelle qui découle de l’histoire mondiale, et de son système de réflexion. « Ce qui est gratifiant pour un artiste, c’est lorsque quelqu’un, que cela soit un économiste ou un macro-biologiste, voit quelque chose à laquelle vous n’avez jamais pensé. Ca, c’est le bonheur », commente l’artiste affable.
Néanmoins, encore faut-il disposer d’un minimum de clés pour appréhender l’oeuvre d’un artiste aussi démiurge. En voici quelques unes.
Les maisons sont des reproductions des abris géants qui occupent les 35 ha de l’atelier nature de l’artiste – un terrain et une colline dans le sud de la France, à Barjac, où Kiefer vit et travaille depuis 1994. Ces constructions, toutes revêtues à l’extérieur de tôles ondulées, abritent en leur sein des installations géantes.
L’hommage à Ingeborg (maison N°1, appelée Nebelland ou Pays de brouillard) prend ainsi la forme d’une immense toile représentant, de manière inhabituelle, un corps étendu à l’intérieur d’une pyramide – l’artiste s’inspire également de l’Egypte antique – dans une position de yoga appelée « la position du cadavre ». La poitrine semble ouverte, avec son coeur extrait – matérialisé par un coeur en argile qui pend un peu plus haut. D’où réflexion sur les rites sacrifiels aztèques, sur le passage entre la vie et la mort.
L’hommage à Paul Celan (maison N°2, appelée Geheimnis der Farne ou Secret des fougères), oppose un bunker et un herbier géant composé de feuilles de fougères. Car d’après une légende allemande, celui qui mange des graines de fougères à la Saint Jean devient invincible et invisible – l’objectif d’un bunker. Opposition de la nature et de la civilisation, de la guerre, donc de la mort, et de la vie, fragilité de l’élément végétal contre dureté du béton armé, sont autant de pensées qui émanent à la vue de cette installation. En dehors des citations qui ponctuent l’oeuvre picturale de Kiefer, l’artiste fait appel à des matériaux communs à Celan: la cendre, la paille, le sable ou les cheveux.
Puisque le visiteur est appelé à créer son propre parcours, à la fois visuel, émotionnel et intellectuel, je ne commenterai que deux autres oeuvres qui m’ont marquées.
Enfin, la maison N°6, reprend une citation de la Kabbale – autre grande source de référence de l’artiste –
La dernière sculpture représente un vaisseau, un bateau soleil (Sonnenschiff) – titre qui fait référence une nouvelle fois à I. Bachmann. Un soleil concrétisé par des tournesols géants – motif cher à Van Gogh.