Quand les Anglais parlaient français
Jusqu’au 7 janvier 2024
#QuandlesAnglaisparlaientfrançais
#VictoriaAlbertxAlThaniCollection
Hôtel de la Marine, Al Thani Collection, 2 place de la Concorde, Paris 8e
Avec un titre facétieux, l’exposition présentée dans les galeries de la Al Thani Collection (Hôtel de la Marine) joue sur les deux registres de langage. Car à l’époque médiévale, la royauté et l’élite anglaise parlaient bel et bien français !
Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, envahit l’Angleterre en 1066 (bataille d’Hastings) pour prendre le trône que lui avait promis Édouard le Confesseur en 1064, mais que voulait s’arroger le comte Harold de Wessex.
Celui qui se nomme Guillaume II, duc de Normandie, devient Guillaume Ier, roi d’Angleterre, et fonde un puissant royaume anglo-normand. Il répand le français à la cour. Comme en témoignent ici les bijoux gravés en français, en provenance du Victor & Albert Museum (Londres).
Par la suite, les relations entre l’île et le continent se renforcent avec d’autres mariages diplomatiques. Tel celui de Marguerite d’York, soeur du roi Édouard IV, avec Charles Le Téméraire, duc de Bourgogne. Cette femme imposante avait commandée une aiguière en porphyre vert à l’orfèvre Zegher van Steynemolen (1468-1491) dont la forme du couvercle en vermeil rappelle l’emblème de la maison d’York.
Plus loin, un coffret de Valence (vers 1305-1312), doré et décoré d’écus armoriés en émaux, symbolise les unions dynastiques, en affichant à la fois les armes royales d’Angleterre et celles des grandes familles d’Angoulême, de Brabant, de Bretagne et de Lacy (Calvados).
Citons aussi le mariage du roi Henri II d’Angleterre avec Aliénor d’Aquitaine. La région englobait alors Limoges, centre majeur de production d’émaux sur cuivre gravé. Les orfèvres voyageaient allègrement de part et d’autre de la Manche.
Tout comme les objets. L’abbé de Saint Pierre de Gloucester avait commandé un chandelier (1107-1113) qui a été donné ensuite à la cathédrale du Mans par Thomas de Poché.
Autres chefs-d’oeuvre présentés : un vase en majolique à glaçure bleue et blanche, trouvé à Londres, en provenance probable de Toscane. Des livres d’heures (vers 1450), livres de prières, réalisés dans les Flandres pour des mécènes anglais. Une croix reliquaire en or émaillé et en ivoire de morse. Des broderies en fils de soie, d’or et d’argent sur des toiles de lin et de velours (chape de Syon, 1300-1320).
Le directeur du département des arts décoratifs et de la sculpture du V&A, Dr James Robinson, estimait que les collections médiévales de son musée n’était pas assez connue des Français. Cette exposition vient réparer ce tort.
En dépit de l’éclairage sombre pour préserver les oeuvres, on ne peut qu’admirer cette sélection de matériaux variés. Une quatrième exposition pointue comme nous y a habituée la Al Thani Collection.