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Séraphine, une peintre sans rivale

Séraphine

Jusqu’au 30 mars 2009

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-L-AVANT-GARDE-RUSSE-AVANT.htm]

Musée Maillol, 2e étage, 61, rue de Grenelle 75007

Suite à la sortie du film Séraphine de Martin Provost (avec Yolande Moreau et Ulrich Tukur), le musée Maillol présente dix-huit peintures de cette artiste autodidacte, qui peint en dehors de ses heures de ménage. Jusqu’à ce que son employeur, le notable allemand Wilhelm Uhde, perce à jour les talents cachés de sa domestique…

En 1912, le critique et collectionneur Wilhelm Uhde (1874-1947) – à qui l’on doit la découverte du Douanier Rousseau et qui a été l’un des premiers acheteurs de Picasso – s’installe à Senlis. Lors d’un dîner chez ses voisins, il découvre une peinture naïve qui le bouleverse. Gênés, ses hôtes lui révèlent que le peintre n’est autre…que sa propre femme de ménage!

Séraphine Louis ( 1864- 1942) peint à même le sol dans sa chambre fermée à double tour. Des grappes de raisin, des entrelacs de branches fleuries, des gerbes de fleurs immenses. Des couleurs flamboyantes dont elle gardera toujours le secret. Les experts s’accordent à dire qu’elle utilise du Ripolin de droguerie, un peu d’huile volée sur l’autel de l’église, du sang pris chez le boucher, de la boue des champs…mais dans quelles proportions?

Audodidacte, Séraphine découvre l’art en observant un professeur de dessin dans une institution de jeunes filles à Compiègne. En 1882, elle devient bonne à tout faire chez les soeurs de Saint-Joseph-de-Cluny à Senlis, avant de devenir femme de ménage (1906). Six ans plus tard, elle rencontre Wilhelm Udhe, qui l’encourage à travailler son art. « Vous êtes douée. Indéniablement douée. Mais il va falloir travailler beaucoup. Ne vous souciez plus jamais de ce que disent les autres. Ils n’y connaissent rien. »

Loin de tout réalisme, les motifs botaniques de Séraphine témoignent de la communion de l’artiste avec la nature, dans un acte d’action de grâce au Dieu créateur. Profondément croyante, Séraphine affirme avoir reçu la révélation de peindre par son ange-gardien alors qu’elle prie dans la cathédrale de Senlis (1900), puis par la Vierge Marie elle-même.

La Guerre de 1914 contraint son protecteur, W. Uhde à rejoindre l’Allemagne après la saisie de ses biens. Sa collection de tableaux est vendue aux enchères. Wilhelm revient en France en 1927 et s’installe à Chantilly. Il redécouvre Séraphine par hasard, lors d’une exposition de peintres locaux à Senlis, et décide de soutenir sa carrière. Séraphine abandonne ses « travaux noirs » (le ménage) pour se consacrer à sa peinture.

En 1929, W. Udhe organise une exposition – Les Peintres du Coeur Sacré (il n’aime pas l’expression « naïf »). Des collectionneurs privés achètent les oeuvres de Séraphine. Un an plus tard, la crise touche les collectionneurs; les toiles de Séraphine ne se vendent plus, ce qui l’affecte durement. Sa stabilité mentale se détériore. Elle harangue les passants, annonce l’apocalypse, hurle à la persécution.

Dans une crise de délire (1932), Séraphine transporte une partie de ses affaires devant la gendarmerie de Senlis. Elle est conduite à l’hôpital, où le médecin relève « des idées délirantes de persécution, des hallucinations, des troubles de la sensibilité profonde sur fond de débilité mentale accentuée ». Séraphine est internée à l’asile psychiatrique de Clermont-de-l’Oise. Suite à quoi, elle refuse de peintre à jamais.

Enterrée dans la fosse commune, elle est oubliée jusqu’en 2007. Cette année là, l’association culturelle des Amis du Centre Hospitalier fait déposer une plaque à l’emplacement où elle repose. Avec pour épitaphe, conformément à un voeu de Séraphine: « Ici repose Séraphine Louis Maillard (sans rivale) 02-09-1864 – 18-12-1942, en attendant la résurrection bienheureuse ».

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