Le chant du monde. L’art de l’Iran safavide (sous l’aile Sully)
Chefs-d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum (aile Richelieu)
Jusqu’au 7 janvier 2008
Musée du Louvre, entrée par la pyramide, 75001, 01 40 20 53 17, 9,50€ ou 13€ (11€ les mercredi et vendredi à partir de 18h) pour les deux expositions
Le musée du Louvre ouvre sa saison avec deux expositions sur l’art de l’Orient. La principale, « Le chant du monde », se présente comme une anthologie d’oeuvres d’art iranien à l’époque safavide (1501-1736). La seconde, « Chefs-d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum » propose un aperçu des magnifiques pièces qui entreront au musée éponyme de Toronto en 2011, imaginé par l’architecte japonais Fumihiko Maki. Emerveillement assuré.
PREMIERE PARTIE: Le chant du monde
La culture artistique iranienne se caractérise par son lien ténu entre les arts visuels et la littérature. Contrairement aux apparences – là est le propos de l’exposition – les objets ne se contentent pas d’être purement décoratifs. Au contraire, ils jouent le rôle de métaphore dont le sens se décrypte dans la littérature persane. Dans la peinture de manuscrits, les personnages de l’antiquité iranienne et de l’Ancient Testament sont incarnés par des héros de l’époque islamiste; le passé devient métaphore du présent. Comme l’atteste les titres conférés aux souverains par leurs admirateurs qu’ils qualifient de « Second Alexandre » (notez l’influence grecque sur l’art iranien pré-islamiste, de même que l’influence Chinoise) ou « Second Rostam » (héros célébré en Iran).
Parmi les 200 oeuvres présentées, on peut admirer des pages de manuscrits, parmi lesquelles plusieurs pages, aujourd’hui dispersées, du Livre des Rois (Shâhnâmeh). Composé par le poète Ferdowsî au XIe siècle, cet ouvrage est considéré comme le plus important de son époque. Délicatesse des dessins, couleurs chatoyantes attestent d’un art hautement raffiné.
Par ailleurs, plusieurs pièces de banquet sont exposées. Grands plats de céramique ou aiguières décorés de fleurs, petites coupes monochromes, bassins à vin en bronze, etc.. Cette exposition a donné l’occasion, pour la toute première fois en France, d’étudier la symbolique des bronzes et de la céramique, et le rôle qu’elle a joué dans le banquet des libations à vin. « L’ultime avatar d’un très ancien rituel issu de l’antiquité iranienne », précise Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre.
Des pièces de textile, dont deux tapis « à l’arbre parlant » provenant de Lisbonne et Cincinnati, des pièces de la vie quotidienne de la cour ou de lettrés comme les plumiers, des reliures de manuscrits illustrent l’extrême beauté de l’art safavide. Un art qui s’étendait des terres de langue persane jusqu’à l’Hindustan et qui a connu son apogée sous les règnes de Shah Ismail (1501-1524) et Shah Tamasp Ier (1524-1576).
La scénographie, conçue par le designer Adrien Gardère, qui travaille actuellement sur le réaménagement du musée d’art islamique au Caire, ne manquera pas de vous surprendre. Des tonnelles en fer rouge occupent l’espace ici et là pour laisser l’imagination entrevoir un bassin d’eau à nos pieds (comme dans les jardins de la mosquée d’Ispahan), les murs sont recouverts d’une frise typiquement orientale. Les objets sont déposés sous des coffres de verre fermés aux formes géométriques (pour évoquer l’art perse) et sont savamment éclairés. Enfin, des images du film La mosquée royale d’Ispahan (né d’une collaboration entre le musée du Louvre et Arte) sont projetées sur les deux cimaises de la salle d’exposition, (le film lui-même est diffusé sous la pyramide du Louvre, à l’accueil des groupes). Dans le sens inverse (de bas en haut), afin de donner l’illusion que le visiteur regarde un reflet sur l’eau.
Dirigée par Assadullah Souren Melikian-Chirvani, historien de la culture du monde iranien et directeur de recherche émérite au C.N.R.S., cette exposition apporte les clés de compréhension à un public occidental du répertoire des métaphores littéraires que représente l’art safavide. Soit un véritable « dictionnaire qui permet de lire à livre ouvert la peinture et les objets qui chantent la beauté du monde » (Assadullah Souren Melikian-Chirvani).
Malgré la beauté des miniatures, la mise en scène de l’exposition est très insuffisament expliquée pour le public néophyte! Le catalogue manque cruellement d’informations précises sur l’iconographie des sujets notamment. Le « tout gris » choisi pour les murs accentue l’austérité de la mise en scène , bien loin de la richesse des coloris persans. Difficile de réconcilier le public avec les arts de l’Islam lorsque les concepteurs se montrent aussi peu pédagogiques. Dommage.