Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris,
Avenue Winston Churchill 75008
19 octobre 2006 – 14 janvier 2007
Rens. et réservations: 01 53 43 40 36
Comme la BNF, le Petit Palais s’intéresse aux eaux-fortes de Rembrandt. Mais, si la BNF a choisi de présenter la progression de la pensée de l’artiste (les différentes étapes de certaines gravures), le Petit Palais préfère exposer, dans une approche plus globale, l’ensemble des genres abordés par Rembrandt.
Car cette diversité artistique le distingue précisément de ses concitoyens peintres et graveurs, leur spécialisation dans un genre étant une caractéristique essentielle de l’art hollandais du XVIIè siècle.
Autoportraits, portraits gravés, sujets bibliques, scènes de genre et mythologiques, paysages, sont présentés dans des salles distinctes, à l’image de la thématique de l’exposition du Louvre sur les dessins du maître.
Les genres se distinguent visuellement l’un de l’autre par un changement de couleur des cimaises: bleue pour les autoportraits, ocre pour les portraits, or pour les scènes bibliques, rouge pour les scènes mythologiques et de genre, verte pour les paysages.
Deux cent quatre-vingt planches de la collection Dutuit illustrent ainsi la pluralité des intérêts de l’artiste; son indépendance dans le choix, dans l’interprétation, et dans le traitement de ces thèmes.
Le parcours du Petit Palais permet d’apprécier l’évolution de la maturité de l’artiste. Ses premiers autoportraits se composent de quelques traits librement tracés, reconstituant son visage, lorsque celui-ci vit encore à Leyde.
Car dans les années 1640, la réputation de l’artiste n’est plus à faire. Il croule sous les commandes des notables de la ville – écrivains, médecins, avocats. S’affranchissant des codes de la représentation de la bourgeoisie, Rembrandt cherche à exprimer la vie intérieure de ses modèles.
Saskia meurt en 1642, puis c’est le tour (1663) de la servante, Hendrickje, qui était entrée au service de Rembrandt et avec qui l’artiste avait entamé une liaison durable, enfin Titus (1668) – le seul enfant de Saskia et Rembrandt parvenu à l’âge adulte.
Et pourtant, malgré cette succession de malheurs et de revers de fortune que connaît Rembrandt, les années 1650-1669 se révèlent ses plus fécondes. Usé physiquement, éprouvé moralement, l’artiste n’en parvient pas moins à produire des merveilles.
Les scènes de genre mettent particulièrement en avant le don de Rembrandt à traduire avec une incroyable économie de moyens l’intimité et la ferveur personnelle que ressent l’artiste envers ses sujets. Qu’ils soient mendiants, enfants (cf. L’Etoile des Rois, vers 1651), ou eux-mêmes quelque peu artistes comme Le Petit Orfèvre (1655).
Notons que Rembrandt, libre d’esprit, s’intéresse à partir des années 1640 à la représentation de scènes érotiques. Ses scènes de nus sont souvent liées aux scènes mythologiques, anti-académiques dans sa jeunesse, mais bien plus « droites » dans sa vieillesse…
Enfin ses paysages gravés sont emprunts d’une rare fraîcheur et spontanéité – l’artiste, dit-on, emmenait une plaque de cuivre sous son bras lors de ses promenades en campagne afin de les graver sur le vif. A l’inverse de ses paysages peints, artificiellement plus dramatiques.
Si Rembrandt a été qualifié de « maître du clair-obscur », c’est précisément en raison de sa maîtrise des jeux de lumière, qui loin de démontrer une pensée manichéenne (suprématie du blanc sur le noir), reflètent toute la subtilité du peintre-graveur face aux variations atmosphériques, saisonnières, ou spatiales.
Rembrandt sait différencier, par son travail de la lumière, ce qui relève de ses observations objectives de la nature, de celles, plus subjectives, de la grande sensibilité de son être intérieur, face à son entourage.