13 octobre 2006 – 31 janvier 2007
Bibliothèques des Littératures Policières, 48-50 rue du Cardinal Lemoine 75005,
01 42 34 93 00, entrée libre.
La Bibliothèque des Littératures Policières (BILIPO) organise une exposition inhabituelle – voire illicite! – sur les Gangsters de Paris qui ont émergé entre la Première Guerre mondiale et les années 1970.
Complémentaire des romans en consultation sur l’histoire de la criminologie et des oeuvres littéraires du genre, l’exposition nous entraîne dans un décor underground, ambiance troquet de quartier et arrière-salle louche, pour nous faire revivre les grandes étapes de l’histoire du Milieu.
L’écrivain-journaliste Francis Carco (1886-1958) utilise pour la première fois, dans Mon Homme (1920), le terme de « Milieu » pour désigner les nouvelles formes de criminalité professionnelle.
Fini, en effet, le temps de l’apache, du rôdeur de barrières ou des terreurs à casquette. Démodés, ces derniers font place aux « gangsters à l’américaine », portant complet veston, cravate et borsalino. Tels ces bandits de New York ou de Chicago dont les images sont diffusées, banalisées, voire gloifiées, sur les petits écrans, qui voient le jour en 1926.
Le crime se modernise; voitures et armes à feu se généralisent. Le racket, le vol à main armée et le trafic de drogue viennent compléter le tableau – déjà joli… – du proxénétisme.
A Paris, les mauvais garçons qui font frissonner les petites gens s’appellent Emile Buisson, René La Canne, Pierrot le fou, Jo Attia, et plus tard, les frères Zemour.
Leur QG: le bas du IXè, autour des portes Saint-Denis et Saint-Martin, qui débouchent sur les grands boulevards. Tandis que la rive gauche s’assagit – hormis Grenelle – et que les Halles perdent leur surnom de coupe-gorge.
L’histoire du Milieu s’assimile, en fait, à celle des différentes fratries ou « familles » qui le composent successivement: parisiens de souche – les Pantinois -, mais aussi jeunes voyous provinciaux qui viennent battre le pavé de la capitale pour faire (mauvaise) fortune.
Les Corses investissent le haut du IXè, autour de la place Pigalle et de Montmartre. On les trouve en particulier au Bar du cinéma (« Chez Dante » du nom du propriétaire Dante Tortorelli), et au Lizeux, à l’angle des rues de Douai et Fontaine. Le charme méridional de ces nouveaux venus, qui attirent les filles de joie, fait pâlir d’envie les voyous locaux. Parfois, l’altercation dégénère, comme lors de la fusillade de janvier 1932 rue Fontaine.
Les « nuits de Montmartre » sont surtout animées par les rivalités au sein du clan corse.
Alors, quand les Marseillais – spécialisés dans le racket et le marché de la « coco » – débarquent dans les années 1930… l’histoire se corse!
Les lyonnais et stéphanois sont, quant à eux, spécialisés dans le braquage. En période de résistance à l’occupation allemande, les jeunes truands font affaire en attaquant les mairies pour s’emparer des tickets de rationnement. Ils utilisent pour ce faire la « 11 » – la nouvelle Traction avant de Citroën – immortalisée par Pierrot le fou en 1945.
Le cinéma et la littérature (Série noire) popularisent ces épopées sauvages (cf. Rififi à Paname).
Mais au cours des années 1970, la donne socio-économique change. La génération mai 1968 et les enfants des grands ensembles périphériques font irruption sur la scène délinquante. Cheveux longs et blousons de cuir définissent la nouvelle mode anticonventionnelle. Les « filles » ouvrent des studios qu’elles gèrent elles-mêmes, reléguant les voyous aux rangs de simples braqueurs. Mais aussi de kidnappeurs.
Jacques Mesrine et Jean-Charles Willoquet, au style plus personnel et contestataire, font leur apparition. La criminalité s’étend au-delà de la ceinture périphérique, vers les bidonvilles d’Aubervilliers, de Montreuil, ou de la banlieue sud (Ivry, Vitry, Villejuif).
Le trafic de drogue fait des choux gras tandis que la French Connection se
démantèle. Le Milieu traditionnel s’effondre pour céder la place à des formes de criminalité plus hybrides.
Une petite expo publique, dans une ambiance intime, qui vous fera revivre les heures de gloire et le folklore d’une frange illégale, certes, de la population. Mais qui se faisait fière de respecter certains principes – honorables pour le coup – honneur, (virilité..bof!), et loyalisme. Un temps certainement révolu.