Picasso et les maîtres
Jusqu’au 2 février 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-PICASSO-ET-LES-MAITRES-PICA.htm]
Galeries nationales du Grand Palais, 3, avenue du Général Eisenhower 75008, 12€
Picasso/Delacroix
Jusqu’au 2 février 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-MUSEE-DU-LOUVRE–tarif-journee–MULO1.htm]
Musée du Louvre, Aile Denon, salle Denon, 75001,9€
Picasso/Manet
Jusqu’au 2 février 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-MUSEE-D-ORSAY–tarif-journee–MUOR1.htm]
Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’Honneur 75007,8€
Pour la première fois, la Réunion des Musées Nationaux organise une exposition en collaboration avec le musée Picasso, le musée du Louvre et le musée d’Orsay afin de rendre hommage au génie picassien. L’exposition principale (Galeries nationales du Grand Palais) met en exergue l’influence des nombreux Maîtres sur l’oeuvre de Picasso. Les musées du Louvre et d’Orsay présentent les variations picturales et graphiques réalisées par Picasso d’après, respectivement, Delacroix (Femmes d’Alger dans leur appartement, 1834) et Manet (Déjeuner sur l’herbe, 1863). Une consécration à l’image du « cannibalisme pictural » à l’oeuvre dans la démarche de Picasso.
« Un peintre a toujours un père et une mère, il ne sort pas du néant » (Mercedes Guillen, Picasso, Ediciones Alfaguara, Madrid, 1973, p.154)
Le premier maître de Picasso (né en 1881 à Malaga – mort en 1973 à Mougins) est son propre père, José Ruiz-Blasco, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts et directeur du musée de Malaga. La légende court que, devant le génie de son fils, José lui aurait transmis ses couleurs et ses pinceaux, renonçant par ce geste à peindre lui-même tout en confiant à Pablo le soin de poursuivre son art.
Formé dès son enfance aux règles académiques strictes, Picasso apprend durant son cursus (1893-99) entre Barcelone et Madrid à dessiner et à sculpter d’après l’Antique, à copier les maîtres: grecs (El Greco), espagnols (Velasquez, Goya), italiens (Michel-Ange, Raphaël), néerlandais (Rembrandt), français (Poussin, Ingres, Delacroix, Cézanne, Gauguin).
Dans ses autoportraits du début du siècle, Picasso n’hésite pas à donner le ton. Annoncer son intention de concurrencer les plus grands, en se représentant brandissant palette et pinceaux, posant à la manière de Poussin et marquant au rouge dans son autoportrait de 1901 « Yo [moi], Picasso« . A l’instar d’El Greco (Barcelone, Museu Picasso) avec qui il s’identifie particulièrement. Pablo a tout juste 19 ans. Cette même année, le jeune homme rencontre Manet et ose défier le maître français en parodiant son chef d’oeuvre Olympia.
Aux maîtres grec et espagnols, Picasso empreinte les couleurs noires (El Greco, Goya, Velasquez) et la rigueur géométrique, l’ascèse plastique (Zurbaran, Ribera).
Aux maîtres français, il prend la couleur bleue – symbole de la révolution moderne en peinture.
Dans ces années expérimentales, Picasso mêle différents courants antagonistes: couleur impressionniste, forme expressionniste, érudition picturale, iconographie populaire, primitivisme, modernité stylistique.
Nains, marginaux, enfants, conquistadors sont des figures récurrentes qui hantent Picasso jusqu’à la fin de sa vie. Comme autant d’autoportraits obsessionnels.
Marqué par la mort de Matisse (1954), Picasso entreprend un cycle de variation d’après Femmes d’Alger dans leur appartement de Delacroix (cf. musée du Louvre). Thème de la femme exposée au regard du voyeur – déjà présent dans les Demoiselles d’Avignon (1907) et qui se transformera en thème de « l’Artiste et son modèle » à la fin de sa vie.
Puis vient une série de 44 toiles d’après Les Menines de Velasquez (1957).
Le dernier cycle de variation (1960-62) est constitué par le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet (cf. musée d’Orsay).
Quant à L’enlèvement des Sabines (1963), Picasso pousse plus loin le principe des variations en croisant L’enlèvement des Sabines de David au Massacre des Innocents de Poussin.
Ce détournement des oeuvres du passé mêle humour et ironie tout en manifestant une volonté sacrilège d’aller au-delà de toute tradition picturale. Les tableaux du passé sont un théâtre pour lequel Picasso s’amuse à inventer de nouveaux scénarios et imagine des dénouements surprenants. « Je peins contre les tableaux qui comptent pour moi, mais aussi avec ce qui manque à ce musée là [le musée imaginaire]. Faites bien attention! C’est aussi important. Il faut faire ce qui n’y est pas, ce qui n’a jamais été fait » (André Malraux, La Tête d’obsidienne, Paris, Gallimard, 1974, p.124).
Durant toute sa vie Picasso peint des natures mortes. Ses premières compositions sont à géométrie cézanienne (1907), deviennent cubistes avec des icônes schématiques et dépouillées (1910-14), parodient les sujets de Chardin (années 1920), pour aboutir à la grande Nature morte au Homard (1965). Picasso veut peindre « les choses vivantes » mais surtout introduire du sacré dans la représentation du quotidien.
La femme est au coeur de l’oeuvre picassienne. Portrait de femmes habillées dans une volonté de défiguration – l’abandon des règles canonique de la représentation au profit du réel – ou nues. Son objectif étant toujours de dire les choses comme elles sont. « Ce qui l’intéresse, c’est la naïveté absolue dans l’art, l’absence de toute stylisation, qu’elle vienne de l’art nègre, chaldéen ou gréco-romain » (Daniel-Henry Kahnweiler, Gespräche mit Picasso, Jahresring 59/60, Stuttgart, 1959, traduit de l’allemand par Isabelle Kalinowski).
Picasso regarde la Vénus se divertissant avec l’Amour et la Musique (Titien, vers 1548), La Femme à la source (Rembrandt, 1654), La Maja desnuda (Goya, 1797-1800), L’Odalisque en grisaille (Ingres, 1824-1834), Olympia (Manet, 1863). Et, à partir de 1964, il va dialoguer avec ces tableaux majeurs, prenant un détail par ci une posture par là, faisant poser ses nus roses et noirs, de manière alanguie. Tout en leur conférant sa vision cubiste qui permet de voir leur visage de face et de profil à la fois.
« Ainsi, ‘dire le nu comme il est’ incarne pour Picasso une mission bien plus qu’une obsession, dont il nourrit son oeuvre en entier car pour lui, le nu se confond avec la substance même de la peinture », résume Anne Baldassari, directrice du Musée National Picasso, Paris, et co-commissaire de l’exposition.
Une exposition-exposé, qui démontre brillamment, autour de 210 oeuvres, comment Picasso s’inspire mais surtout détourne, transpose, dénature, les oeuvres classiques. Pour, au final, révolutionner l’art moderne et ériger en système « la peinture de la peinture ».
« Picasso serait aujourd’hui dans le désespoir quant à son œuvre. Il juge qu’il s’est trompé de route, que le cubisme est une impasse et ne peut mener à rien. Il regrette de n’avoir pas suivi sa première voie et considère comme néant tout ce qu’il a fait. » Paul Léautaud – Le Journal littéraire.
La démarche cubiste de Picasso, qui a surtout mené à des résultats hautement lucratifs, peut aussi être considérée sur le plan esthétique comme nulle, ainsi que la plupart de ce qu’a produit cette « libération des moeurs et des esprits » flamboyant dans l’entre deux guerres ; conséquence du supplément de vanité tiré par l’homme de la révolution industrielle, aggravé du traumatisme qu’il s’est infligé par les deux conflits mondiaux qui l’ont suivi.
Après avoir assisté à l’enflure dans tous les domaines, le soufflé retombe de nos jours, avec comme dommage majeur le naufrage de l’aristocratie. Cette aristocratie de l’esprit, par laquelle l’être le plus commun peut se distinguer de ses semblable en refusant la loi du nombre, adorateur du veau d’or, qui ne peut que mener à la médiocrité en tout : loisirs, arts, culture, affaires, cuisine, santé, politique, etc. C’est la contamination people galopante. C’est encore s’éloigner de cette aristocratie que d’enfourcher en tonitruant la première monture qui passe, pourvu que sa chevauchée provoque la surprise, et mieux encore, le scandale.
Le dernier des jobards n’a qu’à suivre l’exemple de leaders, plus souvent activistes de l’enrichissement que compétents –bien qu’il arrive à certains de l’être, comme ce fut le cas de Picasso–, pour être l’égal des dieux. Le bonheur dans la gloire partagée ! (Avec le fric en prime pour les plus malins). Qu’importe qu’en soient dignes et surtout comprises les raisons.
De grâce, ne confondons pas « peintre le plus célèbre » avec « peintre le plus grand » de son siècle. La célébrité s’achète –l’intérêt des grandes fortunes pour l’art en est la démonstration–, la grandeur non.
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