Les harmonies colorées
Jusqu’au 26 juillet 2021
Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, Paris 8e
Deuxième étape : le musée Jacquemart-André et les savoureuses couleurs de Paul Signac (1863-1935). Les soixante-dix toiles présentées, aux mains d’une seule famille (européenne, c’est tout ce que l’on soutirera comme information à la commissaire, Marina Ferritti, spécialiste de l’artiste!) retracent l’histoire d’un peintre autodidacte. Mais aussi du courant néo-impressionniste, dont Signac deviendra le porte-parole, après la mort de son fondateur, Georges Seurat.
Le parcours chronologique retrace les débuts de l’artiste, de ses premiers pas impressionnistes sous l’influence de C. Monet à ses toiles néo-impressionnistes d’une grande modernité à l’aube du XXe siècle, suite à sa rencontre avec G. Seurat.
Paul Signac naît dans une famille aisée à Asnières. Il perd son père à l’âge de 16 ans et, bien que brillant, décide d’arrêter ses études. Il fréquente le Cabaret du Chat Noir, repaire des artistes avant-gardistes, et hésite entre l’écriture et la peinture. Sa visite de la première exposition personnelle de Claude Monet en 1880 décide de sa carrière : il sera peintre !
Les premières oeuvres reflètent sa touche vive, son goût déjà prononcé pour les couleurs et son sens des compositions. Dans Palette aux Tuileries, de la forme d’une palette de peintre, le feuillage des arbres se décline dans un dégradé de coloris.
Signac passe ses étés en Normandie et en Bretagne et ses hivers en région parisienne. En 1884, il participe à la création de la Société des Artistes Indépendants, dont le leitmotiv est « ni jury ni récompense » pour leur Salon annuel. C’est ainsi qu’il rencontre G. Seurat, avec qui il étudie les travaux d’optique du chimiste Eugène Chevreul.
Seurat sera le premier à appliquer la théorie scientifique selon laquelle l’oeil peut lui-même mélanger les couleurs si elles sont disposées de manière très rapprochées, en toutes petites touches pures (Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte, 1884/86).
Signac de son côté produit Saint Briac. Les Balises Opus 210 (1890), toile mise en parallèle avec Saint-Briac. Le Béchet (1885). Dans les deux oeuvres, la composition est structurée par les lignes horizontales et verticales, mais dans celle de 1890 les traits se font plus délicats. L’artiste donne des titres musicaux à ses oeuvres pour souligner la correspondance entre la peinture et la musique, ses touches se révélant telles des notes de musique, plus ou moins appuyées. Dans Avant du Tub [nom du bateau de Signac]. Opus 176, de 1888, le peintre s’amuse à orienter la proue du bateau arrimé à Asnières, en direction de l’île de la Grande Jatte, clin d’oeil à son confrère Seurat.
Cette première section présente également les autres compagnons néo-impressionnistes : Maximilien Luce, Henri-Edmond Cross, Camille Pissarro (pour un temps seulement), et le belge Théo Van Rysselberghe (on dira de la Belgique qu’elle sera la deuxième patrie du mouvement). Les oeuvres de ces artistes seront exposées quelques salles plus loin.
1891 marque un tournant dans la vie de Signac. « Seurat meurt, le néo-impressionnisme est attaqué de toute part, Pissarro quitte le groupe car la technique est trop lente et son galeriste Durand-Ruel ne lui achète pas ce genre de toiles », commente M. Ferritti.
Signac a besoin de changer d’air. Il prend son bateau et arrive à Saint-Tropez. Il est époustouflé par la nature et la lumière ; celui lui redonne un élan. Pendant cinq ans, il va peindre en exclusivité la ville devenue célèbre qui n’était alors qu’un petit port de pêche. Ses études montrent ses réalisations sur le vif, en plein air. Puis il travaille ses compositions en atelier, toujours encadrées par des lignes horizontales et verticales. Mais ses touches se font moins formelles, plus vaporeuses. Tantôt il est gagné par la monochromie (Saint-Tropez. Après l’orage, 1895) tantôt par la polychromie (Saint-Tropez. Fontaine des Lices, 1895).
Après la parenthèse des oeuvres néo-impressionnistes des contemporains de Signac cités plus haut, le parcours se poursuit sur les aquarelles de l’artiste, très raffinées (Antibes, 1910). Toujours attaché à l’eau, il réalise des compositions lumineuses des villes portuaires dont Venise (1905).
La dernière salle est somptueuse avec un parallèle entre un lavis à l’encre de Chine (étude sur le motif) et la toile correspondante d’une vue de Juan-les-Pins le soir (1914). Ainsi que la vue sur le Palais des Papes à Avignon (1909). Signac adopte une nouvelle stratégie de composition. Si les lignes règnent toujours, elles sont définies par une couleur dominante, déclinée en nuances. La symétrie des arbres contribue à apporter de l’harmonie à l’ensemble.
Surnommé « Saint-Paul du néo-impressionnisme », Signac a su insuffler une constante énergie créatrice au mouvement. Il écrit dans son Journal : « Il faut créer des teintes ». Il parvient à se libérer des couleurs naturalistes pour tendre vers une polychromie audacieuse.
Des oeuvres qui subliment la lumière et la majesté de l’eau méditerranéenne. Un avant-goût des vacances !