Naissance de la Grèce moderne 1675-1919
Jusqu’au 7 février 2022
Musée du Louvre, Hall Napoléon, Paris 1er
Pour célébrer le bicentenaire de l’entrée de la Vénus de Milo au Louvre et les débuts de la guerre d’indépendance de la Grèce (mars 1881), le musée du Louvre consacre une exposition à l’art grec. Pour dépasser les préjugés néoclassiques (art grec = sculptures de divinités blanches !) et découvrir des oeuvres polychromes, encore jamais exposées en France.
Les premières oeuvres du parcours témoignent de la domination ottomane sur les oeuvres du 19e siècle, avec notamment toute une cimaise arborant des icônes finement dorées. Ce n’est que lors des Expositions universelles de Paris de 1878, 1889 et 1900 que les Français peuvent découvrir les origines byzantines et orthodoxes de l’art grec de cette période.
La Grèce se libère du joug ottoman en 1829 et proclame Athènes comme capitale en 1834. Dans cette section est exposée La Grèce sur les ruines de Missolonghi (1826) d’Eugène Delacroix, dont la figure féminine centrale vêtue d’une tenue traditionnelle grecque annonce sa Liberté guidant le peuple (1830).
Le nouvel État grec se tourne vers les Européens qui l’ont aidé à se libérer des Ottomans, en particulier les Allemands et les Français. Le prince bavarois Othon monte sur le trône en 1832. La Grèce veut se forger une nouvelle identité européenne et chrétienne, pour marquer la césure avec la domination ottomane. C’est ainsi que l’on découvre une oeuvre phare de l’exposition : Soirée athénienne d’Iakovos Rizos, qui remporte la médaille d’argent à l’Exposition Universelle de 1900. Le peintre représente l’intelligentsia grec, habillée à la parisienne, qui badine sur une terrasse avec vue sur l’Acropole. On y retrouve la légèreté d’esprit de la Belle-Époque, illustrée côté français par Alexandre Cabanel (1823-1889).
Des instituts archéologiques se créent à Athènes dont l’École française d’Athènes (1846), s’appuyant sur de nouveaux outils scientifiques (moulages, relevés stratigraphiques, photographie documentaire). Les premières fouilles ont lieu à Santorin en 1870. L’Allemagne hérite du site d’Olympie et la France de Délos, Delphes, et de l’Acropole (sites sur lesquels elle est toujours présente aujourd’hui), dont les résultats sont ici exposés (moulages en plâtre, mosaïques, bronzes). Avec un focus sur la célèbre Vénus de Milo. Aujourd’hui réclamée par l’État grec, comme on peut le voir sur des panneaux à l’aéroport d’Athènes, mais dont le musée du Louvre se garde bien de parler !
Après la destitution du roi Constantin Ier et de ses partisans monarchistes germanophiles ; le coup d’État de son Premier Ministre Venizélos, favorable à la Triple Entente, qui fait entrer la Grèce en guerre contre la Bulgarie ; la guerre de 1919-1922 où la Turquie attaque la Grèce pour récupérer la Thrace orientale et Smyrne, perdus à l’issue du traité de Sèvres à la fin de la Première Guerre mondiale (1920) ; la Grèce sort de ces conflits affaiblie.
Le parcours se termine pourtant en beauté sur le groupe d’artistes Techne (omada techni, « art »), fondé à Athènes en 1917 par Nikos Lytras(1883-1927). Ils exposent à Paris à la galerie La Boétie en 1919 et revendiquent un style inspiré des avant-gardes européennes : Constantinos Parthénis (1878-1967) est en relation avec la Sécession viennoise et le symbolisme français, Constantinos Maléas (1879-1928) avec le fauvisme et les Nabis, Nikos Lytras avec le Blaue Reiter de Munich. Des oeuvres jamais exposées à Paris depuis.
Un parcours pas aussi stupéfiant que la précédente exposition « Le corps et l’âme, De Donatello à Michel-Ange, sculptures italiennes de la Renaissance » présentée dans ce même hall, mais tout de même remarquable, surtout concernant les oeuvres méconnues d’inspiration byzantine.