Jusqu’au 20 juin 2011
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Galeries nationales du Grand Palais, entrée Champs-Elysées, 75008
Difficile d’être contemporain des impressionnistes et ne pas partager leur vision…tout en participant à leur dernière exposition (1886)! Odilon Redon (1840-1916), bien que recevant une reconnaissance tardive, parvient à affirmer ses choix esthétiques et à les faire reconnaître d’un certain public. Surnommé « Prince du Rêve » par le critique Thadée Natanson, il inspire les jeunes peintres de la couleur, Nabis (Bonnard, Vuillard, Denis, Sérusier) et Fauves. Par-dessus tout, il dialogue à travers sa pratique des arts plastiques – lithographies aussi bien que peintures – avec la poésie de Mallarmé. Comme le démontre la splendide exposition du Grand Palais.
Mais le bleu du visage choque plus d’un visiteur à l’exposition de 1894, la première organisée en l’honneur de Redon à la célèbre galerie Durand-Ruel. Y compris ceux de qui l’on aurait pu attendre une âme anti-conventionnelle, ou du moins une sensibilité artistique. Comme la fille de Tolstoï, peintre amateur qui séjournait à Paris. Elle rapporte son incompréhension devant un tel anti-réalisme à son père qui, lui-même, écrit dans Qu’est-ce que l’art?: « L’un deux, dont j’ai oublié le nom, quelque chose comme Redan [sic], avait peint une tête bleue en profil. Sur tout le visage il n’y a que du bleu avec du banc de plomb » (p.114, cité par Dario Gamboni dans le catalogue de l’exposition).
Bien sûr, les Araignées de Redon ne se contentent pas d’être réalistes par leur physionomie. L’artiste leur adjoint une touche fantasque comme un sourire sarcastique ou des larmes; l’Araignée qui pleure est ainsi évoquée par Joris-Karl Huysmans dans son roman A Rebours (1884). Séduit par ses lithographies, l’écrivain devient un précieux appui pour le peintre.
L’exposition se clôt sur les décors que Redon a exécuté pour l’abbaye de Fontfroide (proche de Narbonne) et ceux de la salle à manger du château de Domecy, marqués par le japonisme (le motif de la branche se poursuit d’un à l’autre tel un paravent japonais), ici reconstitués selon leur disposition originelle. Ce décor témoigne à la fois de la place désormais primordiale qu’acquiert la couleur dans l’oeuvre de Redon et de son impulsion dans le domaine des arts décoratifs. L’artiste recevra de fait une commande officielle – la seule de sa carrière – d’un ensemble de salon (écran et trois fauteuils). Il réalise également des cartons pour tapis d’inspiration orientale, qui n’ont pu être mis sur métier.
« Autant que Baudelaire, M. Redon mérite le superbe éloge d’avoir crée un frisson nouveau… » écrivait Emile Hennequin en 1882. Ainsi pourrait-on résumer l’originalité du style d’Odilon Redon, qui aimait s’entourer de mystère pour préserver les secrets de son processus créatif.