Au Diable Vauvert, août 2011, 22€
Dès les premières pages des Morues, le lecteur est aspiré par le style contemporain et engagé de Titiou Lecoq. Mais la force de ce premier roman découle surtout de la dextérité de la jeune auteure à faire évoluer son oeuvre d’un « roman de filles » à un thriller abordant les problématiques de notre société. Epatant.
L’histoire commence à la fois dans la joie – des jeunes se retrouvent pour fêter un anniversaire – et le mélo. « Depuis une dizaine de minutes, Ema gardait la tête obstinément levée vers la voûte. En suivant des yeux les courbes compliquées des arches gothiques de l’église, elle espérait éviter de pleurer. Mais d’une elle commençait à avoir sérieusement mal à la nuque et de deux il devenait évident qu’elle ne pourrait pas échapper aux larmes de circonstance. »
Les Morues, c’est le nom de la bande d’Ema et ses copines, Alice, Gabrielle, et … Fred. Ils se retrouvent dans un bar pour échanger sur leurs états d’âmes, casser du sucre sur le dos de leurs relatifs et deviser sur le monde. Rien de bien anormal pour des jeunes du XXIe siècle.
Jusqu’à ce que les choses prennent un tournant plus que sérieux quand Ema se met en tête d’enquêter sur les circonstances louches de la mort de leur amie Charlotte.
« Il dit que c’est un plan pour l’autonomie des musées qui au final pourrait aboutir à leur privatisation. T’imagines? Le Louvre privatisé?
– Ca paraît déjà énorme comme affaire. Et le lien avec Charlotte?
Ema réfléchissait.
– Je suppose que c’est par son travail qu’elle a eu le dossier. On peut imaginer que pour mener ce genre d’opération, le ministère va demander des conseils à des sociétés spécialisées comme celle où elle travaillait. Peut-être qu’on lui a confié le dossier pour qu’elle donne son avis. Et… Et plutôt que de se contenter de faire son travail, elle a contacté un journal spécialisé dans l’économie, et plutôt de gauche, pour balancer le projet. »
Délire de jeunes qui ne peuvent que penser que le monde qu’on leur a construit est pourri? Mythe du complot tellement dans l’air du temps? Journalisme, politique, culture, tous les ingrédients sont réunis pour capter l’attention d’un public un tant soit peu intéressé par les affaires de ce bas monde…Voilà un roman pour bien commencer l’année!