Bruno Barbey, Passages
Jusqu’au 17 janvier 2016
Catalogue de l’exposition Bruno Barbey :
Maison européenne de la photographie, 5/7 rue de Fourcy, Paris 4e
Dans le cadre de la première biennale des photographes du monde arabe contemporain, la MEP présente deux expositions fortes : le reportage photo de Massimo Berruti, membre de l’Agence VU’, sur la bande de Gaza – ou plutôt ce qu’il en reste. Et « Passages » de Bruno Barbey, photographe de l’agence Magnum où il est coopté dès ses 25 ans.
MASSIMO BERRUTI
Les grands formats de Massimo Berruti, noir et blanc, de rigueur, font froids dans le dos. Les UNES d’actualité évoquant pêle-mêle les guerres lointaines, notre conscience mélange ce qui se passe en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Tchétchénie, sans parler du conflit israélo-palestinien…
Massimo Berruti a remporté le Grand prix de l’Agence Française pour le Développement (AFD) et le magazine Polka en 2014 pour son projet sur l’état d’urgence de la bande de Gaza : coupée du monde depuis huit ans par le blocus d’Israël, assoiffée depuis l’opération Bordure protectrice, lancée par Israël contre le Hamas en juillet 2014, pendant 51 jours.
Selon un bilan de l’ONU, l’opération a tué 2.251 Palestiniens (67 soldats israéliens), dont 1462 civils (6 côté israélien) et 551 enfants. Elle a détruit un tiers du réseau d’eau et d’assainissement. Depuis, la Gaza River est empoisonnée, jonchée de détritus et de carcasses d’animaux. Selon les experts de l’AFD, « la nappe phréatique est polluée de façon probablement irréversible ».
L’eau saline – la seule disponible – ne coule que quelques heures par jour. Certains parviennent à se faire livrer de l’eau potable, d’autres envoient leurs enfants se ravitailler avant d’aller à l’école. Et, c’est là, certainement l’image la plus forte du reportage : une petite fille de Beit Lahia emmène son jeune frère vers un point de ravitaillement, descendant les escaliers de leur maison détruite, dont le peu qui tient encore debout manque de s’écrouler.
« Tels des morts-vivants, les Gazouis marchent vers un destin de misère qui semble quasi-inévitable », commente M. Berruti.
BRUNO BARBEY
Après ces images (niveau 1 de la MEP), celles de Bruno Barbey (niveau 2) paraissent légères ! Pourtant, le photographe a couvert bien des guerres et pas des plus soft : Guerre des 6 jours (1967), Vietnam (1971), encerclement de Phnom Penh par les Khmers rouges (1973), guerre du Golfe (1991), Mai 68 – qui était violent à sa façon, raconte-il, puisque l’on pouvait se prendre une grenade en pleine rue.
Il photographie le Shah d’Iran, l’Imam Khomeini, le Pape Jean-Paul II, Yasser Arafat, Barack Obama lors de son investiture en 2009.
Loin de vouloir rechercher le scoop, Bruno Barbey capture des événements de l’Histoire et y apporte de la profondeur en revenant plusieurs années après pour compléter ses reportages. Il en livre ensuite des expositions et des livres.
Il ne montre pas la violence directement pour ne pas tomber dans le sensationnalisme. Subtile, l’esthétique de ses images est épurée, les couleurs ne sont pas saturées et le grain légèrement mat apporte de la douceur. Une touche de poésie dans notre monde de brutes !