Jusqu’au 29 juillet 2012
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Musée du quai Branly, Paris VIIe
Si l’ordre terrestre est imparfait, le divin l’est aussi. Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché à mettre de l’ordre dans ce grand désordre cosmique. Le musée du quai Branly propose une confrontation originale entre la gestion du désordre chez les peuples « primitifs » et ceux du XXIe siècle. Une expérience déséquilibrante!
Inspiré du livre éponyme de Bertrand Hell, l’exposition « Les Maîtres du désordre » analyse en trois temps le rôle du désordre à travers divers cultures. Pour mettre l’accent sur la place des artistes contemporains est présentée dès l’entrée Outgrowth. Cette oeuvre de Thomas Hirschhorn donne un aperçu des déséquilibres du monde à travers une série de globes terrestres tuméfiés et des photos de diverses catastrophes auxquelles le monde est confronté (guerres, attentats, incendies, etc.).
Face aux tumultes du monde, l’homme en appelle aux divinités et s’entoure d’effigies protectrices. A côté de ces bienfaiteurs de l’humanité, toutes les cultures ont imaginé des êtres ambivalents, inquiétants car imprévisibles, protégeant les enfants mais rendant les femmes stériles, fécondant les récoltes mais dessèchant les champs.
Un prêtre « sorcier du fou-rire » togolais, Azé Kokovivina, a activé au sein de l’exposition un autel vaudou, réalisé à partir de bois, de boue, de fer rouillé, d’os et de sang. Lors du vernissage presse, le-dit sorcier était occupé à communiquer par la voie téléphonique – avec ces esprits versatiles? – impossible de lui poser la question!
Pour cela, l’homme a inventé un certain nombre de rites, pratiqués par un intercesseur – personnage liminaire, marginal, louvoyant entre le masculin et le féminin, le monde des vivants et celui des morts. Ainsi des clowns sacrés qui ont pour fonction d’exprimer le refoulé collectif.
Ces hommes-limites ont subi une phase d’initiation extrême, longue et douloureuse, qui leur a permis de maîtriser leur propre déséquilibre afin de contrôler celui de l’ordre cosmique.
Ils peuvent avoir recours aux psychotropes comme l’illustre une sculpture en verre de Berdaguer et Péjus, Jardin d’addiction, entrelacs de fioles géantes de parfums diffusant des odeurs d’alcool, cocaïne, herbe, opium… Leur forme évoque autant l’accélération des connexions cérébrales que le serpent cosmique de Jeremy Narby. Selon lequel, la prise de psychotropes permettrait au chamane de saisir une vision du microcosme. Au point de visualiser le corps dans son essence même : la constitution de l’ADN.
« En fin de compte, tout se résume à une histoire d’équilibre où des spécialistes du désordre, prêtres, chamanes ou clowns sacrés, agissent comme des funambules qui dansent sur le fil ténu de l’existence. Travestissement, transgression, métamorphose de corps, on inverse les temps, on inverse les sexes. Négociateurs sans limites, ils risquent leur vie pour calmer les esprits », commente l’une des commissaires de l’exposition, Nanette Jacomijn Snoep.
A travers un parcours visuel et sonore qui se veut initiatique, le visiteur déambule dans une sorte de tunnel-monstre imaginé par (Dominique) Jakob + (Brendan) MacFarlane. Un espace informe, où fond, forme et matière se confondent. Mais cette peau composée de tubes de métal, ligaturés entre-eux par du plâtre dégoulinant, renvoie une froideur qui casse le pouvoir qui se dégage habituellement des objets exposés au musée du quai Branly. Sans compter que l’on perçoit à travers toute la visite les cris d’Anna Halprin, hurlant et dansant sur scène pour exorciser son cancer. Pour moi, cela a été une expérience glaciale.
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