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L’éducation et l’altérité présentée aux plus jeunes

Le magasin des petits explorateurs

Jusqu’au 7 octobre 2018

[fnac:https://www.fnacspectacles.com/place-spectacle/ticket-evenement/exposition-billet-jumele-quai-branly-manenfaj-lt.htm]

Catalogue de l’exposition : 

Musée du quai Branly, Paris 7e

Le musée du quai Branly s’intéresse à la manière dont la culture populaire en France a diffusé l’image des peuples des terres et mers du Sud, à travers la production culturelle destinée aux enfants, du 19e siècle à nos jours. Un imaginaire ambivalent où les stéréotypes se confrontent aux désirs d’exotisme et d’aventure, où le romantisme se mêle au vernaculaire.

« Le magasin des petits explorateurs » a été préparé pendant quatre ans, par le muséologue Roger Boulay (commissaire indépendant) à partir d’objets essentiellement quêtés dans les brocantes ! Car s’il a pu dénicher une collectionneuse de schtroumpf, nombre d’objets présentés ne sont guère recherchés par les institutions culturelles ou rassemblés par des particuliers. « Cette exposition est une sorte de vide-grenier de la mémoire », explique en introduction le commissaire.

Le terme magasin désigne ici de courts articles, réunis comme dans une boutique, aux contenus divers, illustrés d’images. D’abord imprimés à l’unité, ces fascicules bénéficient à partir des années 1830 de l’invention des premières rotatives. Leur diffusion explose.

La scénographie s’articule en trois points, dans la mezzanine du musée conçu par Jean Nouvel. Une métaphore filée du bateau nous embarque à babord puis tribord pour faire le tour du monde – l’obsession de la fin du XIXe siècle.

La première image du Noir inscrite dans l’univers enfantin s’incarne dans l’image de Balthazar, santon de la crèche de Noël depuis le 15e siècle. Il y a aussi la marionnette du Maure, représentant généralement le peuple ennemi de la chrétienté (17e siècle).

Les premiers récits de voyage sont liés aux voyages des navigateurs. Dès leur retour, les journaux publient leurs aventures, en particulier celles de James Cook et Antoine de Bougainville (fin 18e siècle).

Petits et grands se passionnent pour la géographie. La bibliothèque géographique et instructive des jeunes gens (36 volumes) paraît en 1802. Elle est traduite en anglais et en allemand. Elle inspire la charmante Géographie dramatique ou dialogues amusants pour aider les filles qui ont du mal à étudier la géographie de Louis-François Jauffret en 1807…

Robin Crusoe de Daniel Defoe (1719) traduit en français en 1720 donne lieu à un genre littéraire nouveau : les robinsonnades, destiné aux jeunes lecteurs des milieux cultivés de l’aristocratie et de la bourgeoisie, pour lui servir de guide pédagogique et initiaque. Sauf que le thème n’est pas la découverte de l’Autre mais la démonstration du génie colonisateur des Blancs confronté à la nature sauvage.

Puis vient le succès de Paul et Virginie (1788) de Bernardin de Saint-Pierre qui mêle le romantisme aux idées de Rousseau pour « réunir à la beauté de la nature entre les tropiques la beauté morale d’une petite société ».

Emile de Girardin invente le concept des Magasins. Il crée le Musée des Familles, lectures du soir (1833), hebdomadaire qui publie Le voyage en ballon de Jules Verne. Edouard Charton publie Le Magasin Pittoresque (1833) qui paraîtra jusqu’en 1938, soit pendant plus d’un siècle.
Charton sera l’un des créateurs du Musée d’ethnographie du Trocadéro. Pierre-Jules Hetzel lance en 1864, avec Jean Macé et Jules Verne, le Magasin d’éducation et de récréation.  La revue sera couronnée par l’Académie française.

Louis Boussenard, nationaliste et procolonial, invente Friquet, le héros du Gamin de Paris (1879), dont les aventures seront publiées dans 70 romans. L’auteur s’inspire de ses propres voyages – il est surnommé le « Globe-trotter de la Beauce » – pour imaginer les péripéties de son héros à culottes courtes qui sait mieux distribuer les coups de poing que la bonne parole aux autres races qu’il rencontre.

A l’apparition de la photographie, le petit aventurier se transforme en reporter façon Tintin (né en 1929). La photographie, source des illustrations gravées, atteste de la réalité de ses aventures. Si le romantisme d’une nature enchanteresse et d’une humanité peine de bonté est oubliée, les images de l’Autre ne sont guère améliorées ; le noir reste « à civiliser ». Le sauvage est également incarné par la figure du gorille, qui chez les adultes enlève la femme blanche. Tandis que le grand singe – de King Kong au Yéti – enlève ou protège le jeune explorateur. C’est à cette époque que l’homme cherche le chaînon manquant dans la création. D’où la naissance de Tarzan (1912) par Edgar Rice Burroughs, qui n’a jamais mis les pieds en Afrique.

L’image de l’Indien du Far West va prendre la relève. Pocahontas et Hiawata font leur apparition dans la première moitié du 19e siècle ; ils incarnent la figure légendaire de l’indien, frère universel de la nature. Il sera remplacé par la figure de l’Inuit dont le mode de vie encore plus étrange lui assure un indice de sympathie élevé.

Flammarion publie une collection au service d’une vraie pédagogie avec Le Père Castor (1931) tandis que Nathan donne la parole aux enfants avec Enfants du monde (1952 à 1978).

A l’inverse, l’épicerie du coin commercialise des produits qui véhiculent dans le panier et la tête du petit explorateur l’image controversée du Noir (poudres cacaotées, cirages, lessives).

Or, quand on sait qu’une étude publiée dans Nature (« Les neuros-sciences », 2016) indique que « les stéréotypes sont tellement puissants qu’ils peuvent modifier le système visuel », on se dit qu’il est capital que enfants et adultes apprennent à prendre du recul par rapport au flot d’images que notre société leur renvoie. Y compris dans le musée qui, ne peut fonctionner », ajoute R. Boulay que «  »si l’on se donne la peine, comme un vestiaire auquel on confierait non seulement nos parapluies mais aussi nos clichés et nos images toutes toutes ». Une exposition incontournable !

 

 

 

 

 

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