Chroniques parisiennes
Jusqu’au 26 juin 2022
#ExpoBoilly
Musée Cognac-Jay, 8 rue Elzévir, Paris 3e
Le musée Cognac-Jay dévoile des toiles inédites – oubliées ou dissimulées dans des collections particulières – de l’artiste Louis-Léopold Boilly (1761-1845), chroniqueur de la vie parisienne de la Révolution française à l’aube de celle de 1848. Des oeuvres minutieuses, fourmillant de détails truculents !
Né dans le nord de la France, L.-L. Boilly arrive à Paris à l’âge de 24 ans. Il y passera toute sa vie, voyageant peu. Il ne s’intéresse pas à l’histoire de la capitale mais lui préfère la vie quotidienne, la transcription de l’effervescence en plein essor de la modernité.
Nouvelle bourgeoisie, lieux de spectacles, fêtes populaires, êtres « exotiques » exhibés comme des bêtes de foire, scènes galantes et jeux du trompe-l’oeil (terme qu’il invente) deviennent sous sa palette un miroir de la société, plutôt gai, en dépit du contexte révolutionnaire.
Parmi les 130 oeuvres présentées figurent pas moins de 40 autoportraits ! L’artiste aime se représenter avec une douce ironie (tel assoupi à la fin d’un repas arrosé dans Après le souper, vers 1830) ou se cacher dans les scènes de foule. Le visiteur, appelé à le démasquer, développe ainsi un lien complice avec le peintre.
Boilly dépeint avec malice le rôle des uns, comme lors du carnaval ; le milieu social des autres. Dans Le Passage de la planche, il représente ceux qui peuvent s’offrir d’éviter le sol boueux, et à l’arrière-plan, ceux moins aisés, qui doivent monter à dos d’homme.
Autodidacte, l’artiste prolifique développe un style personnel qu’il promeut en inscrivant dans ses oeuvres des cartellini – petites étiquettes sur lesquelles figurent son nom et son adresse – à l’attention d’un potentiel acheteur ! L’effet est d’autant plus étonnant lorsque cette carte de visite est associée à la représentation du Christ, dans ce qui sera l’unique tableau religieux de Boilly (1812).
Cet aspect facétieux se retrouve dans ses oeuvres trompe-l’oeil. Boilly imite soit des estampes par des effets de grisailles (portraits de ses trois fils, fermière distribuant du lait à une foule affamée). Soit dans des compositions hétéroclites mêlant affiches sur lesquelles il ne manque pas de se peindre (Un trompe-l’oeil, vers 1800). Il s’amuse à représenter Un chat gourmand crevant la toile pour manger des harengs (vers 1800-1805). Ou il imite sur la face supérieure d’une table un décor de vide-poche : pièces de monnaie, cartes, plumes, etc., et toujours sa fameuse signature sous forme de cartellino.
L’esprit joyeux se poursuit dans la salle aux portraits. Devenu portraitiste recherché, il peint toute une gamme de visages parisiens dans un format identique inédit : petit portrait en buste (22 x 16 cm) qu’il dresse en deux heures. L’artiste en aurait réalisé 5000, dont près de 1000 sont aujourd’hui connus. Il compose également des portraits miniatures qui traduisent avec tout autant de talent le caractère de ses contemporains.
Beaucoup d’oeuvres présentées proviennent de la Ramsburg Foundation, Withshire (comté du sud-ouest de l’Angleterre). C’est un vrai plaisir de les découvrir !