Camille Corot: Dessins du Louvre
Jusqu’au 27 août 2007
Musée du Louvre, Aile Sully, 2e étage, salles 20 à 23, entrée par le passage Richelieu 75001, 01 40 20 53 17, 8,50€ (9€ à partir du 1er juillet 2007), 6€ de 18h à 21h45 les mercredi et vendredi
Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) considérait le dessin comme l’essence même de l’art – l’amorce et l’aboutissement de toute activité créatrice. Le musée du Louvre, qui possède le fonds le plus important de dessins et d’albums de Corot, légués par Etienne Moreau-Nélaton (1859-1927), propose aujourd’hui d’en découvrir la rigueur technique et la grâce stylistique.
Corot n’a cessé de dessiner toute sa vie. Mais ce sont ses dessins tardifs qui ont marqué les annales, car ils ont inspiré nombre d’oeuvres présentées aux Salons, comme Jeune femme nue, assise, les bras croisés derrière la tête (vers 1858) repris dans La Toilette (des Nymphes), exposé au Salon de 1859.
Pourtant, ses premières oeuvres ne manquent pas d’attrait. Certes, il faut un certain temps à l’artiste pour maîtriser la fuidité des lignes. Il s’y attèle dès 1825, lors d’un premier voyage en Italie. Suivant le conseil d’Achille-Etna Michallo (lauréat du concours de paysage historique) de regarder la nature avec soin, le jeune Camille travaille sans relâche sur le motif. Affûtant ses crayons, il n’hésite pas à repasser plusieurs fois sur un tracé, au risque de trouer le papier. Ses efforts sont rapidement couronnés comme l’atteste son Etude d’arbres à Civita Castellana (1827), dont les lignes effilées tracées à la plume incisive rendent de manière précise l’enchevêtrement des branches et des lianes, apparemment sans effort.
A partir des années 1830, Corot simplifie ses plans de manière à intégrer une figure humaine dans le paysage. L’artiste produit ainsi l’une de ses feuilles les plus célèbres: Portrait de jeune fille au grand chapeau, dite « Mon Agar » (1830). Ce dessin représente dans la pure tradition romantique allemande un portrait de la supposée Alexina Legoux, modiste auprès de Me Corot mère. La demoiselle porte un grand chapeau aux plis cassés, avance un regard interrogateur perçant, et pose de profil. Les ombres sont subtilement indiquées par des hachures parallèles plus ou moins marquées. Au-delà de la ressemblance physique, c’est surtout l’attitude et l’expression du personnage qui est ici recherchée.
Camille Corot voyage beaucoup, à travers l’Europe (Angleterre, Belgique, Hollande, Italie) et la France. Il se déplace constamment durant les beaux jours, résidant chez des amis comme le peintre Constant Dutilleux et son gendre Alfred Robaut (1830-1909), qui deviendra le biographe de Corot. Il ne rentre travailler dans son atelier parisien qu’à l’aube de l’hiver. Prenant des notes sur lui-même et son art dans des albums et faisant des croquis pris sur le vif sur un petit carnet de poche, Corot a laissé un témoignage important de son activité artistique et intellectuelle. De précieux documents, présentés sous vitrine dans la deuxième partie de l’exposition.
Dans le volet suivant, le visiteur découvre les dessins tardifs de Camille Corot. Alors qu’à ses débuts l’artiste préférait la plume incisive, il recourt plus aisément, à partir des années 1860, au fusain noir, parfois réhaussé de craie blanche. L’artiste réalise des paysages dans lesquels les formes d’un être humain se profilent dans la lumière estompée du crépuscule, conférant à l’oeuvre une atmosphère mystérieuse (cf. Le Sommeil de Diane, 1865).
L’exposition s’achève sur la présentation d’Alfred Robaut et d’Etienne Moreau-Nélaton, deux hommes qui ont joué un rôle important dans la carrière de Corot. Le premier suivra l’artiste à travers toutes ses pérégrinations et commencera le catalogue raisonné de l’oeuvre de l’artiste. Le second achèvera le catalogue et deviendra un collectionneur assidû des dessins, albums, gravures, et lettres de Corot. Moreau-Nélaton lègue en 1927 la totalité de sa collection au musée du Louvre.
Des dessins aux traits fins, extrêmement précis et rigoureux, qui dégagent une sensualité incomparable. Et proposent un univers onirique où le réel reste néanmoins présent – voie médiane et singulière entre le romantisme et le classicisme, les deux courants forts du XIXe siècle.