Darling Jim de Christian Moerk
Le Serpent à Plumes, collection roman noir, mai 2009, 20€
Un conte irlandais, traduit en français, raconté par un auteur-scénariste danois qui écrit en anglais; c’était avancer sur des oeufs. Darling Jim de Christian Moerk nous emmène sur les traces d’un seanchai (conteur irlandais), Jim, qui envoûte son public pour mieux le délester de ses biens. Voire de sa vie. Narrée tel un script de film, l’histoire enchaîne les rebondissements, le suspens, l’amour et les morts. Mais gare à la chute.
Niall, jeune postier de Castlebownbere (Irlande), découvre un jour dans le réceptacle des lettres non distribuées (pour cause d’absence de timbres ou d’adresses erronnées) un journal intime. Celui de Fiona. La jeune fille confie comment elle et ses soeurs adorées, Roisin et Aoife, se retrouvent à la merci de leur tante Moira, suite à une histoire d’amour qui a mal tourné. Peu de temps après, les corps de Moira, Roisin et Fiona sont retrouvés inanimés, ayant soufferts de dénutrition et d’empoisonnement. Un triple meurtre, donc, qui reste non élucidé jusqu’à ce que Niall, troublé par les confidences livrées dans le journal intime, se décide à résoudre l’énigme.
« Niall tira le cahier noir de son sac et le plaça sous la plus puissante de ses lampes d’architecture. Quelqu’un avait gravé les initiales F.W. sur le feutre de la couverture en les repassant à plusieurs reprises au stylo bille. Fiona Walsh? Etait-ce vraiment son journal? Il n’allait pas tarder à le savoir. Il attendut qu’Oscar lui fasse signe de continuer, mais le chat, gavé de sucre, se contenta de lui jeter un coup d’oeil avec cette indifférence propre à sa race qui semblait lui dire: ‘même si ça doit te rendre dingue, je ne me coucherai pas l’estomac vide. Alors, vas-y, pauvre con, si tu savais comme je m’en fous.' »(P.39).
Christian Moerk s’est inspiré d’un fait divers et de l’expérience d’un mariage irlandais pour donner vie à ses personnages. Il a écrit son roman sur place, en atteste la précision des détails. Les chapitres s’enchaînent comme une mécanique bien huilée. Le suspense est indéniable – la seule raison pour laquelle je n’ai pas refermé le livre avant la fin. Car je n’ai pas du tout adhéré au style et la fin me paraît tarabiscotée. Comme si l’auteur ne savait plus comment se dépatouiller de ses propres énigmes. A l’inverse, les parties contées sous la voix de Jim m’ont subjuguées. Sur le site de l’auteur, bien documenté, j’ai pu lire un extrait du roman en anglais et je pense que le problème vient de la traduction. Le style est bien plus fluide et caustique dans la langue originale. Avis aux amateurs de la langue de Shakespeare!