Jusqu’au 4 novembre 2007
Cité des sciences et de l’industrie, 30 avenue Corentin-Cariou 75019, 01 40 05 80 00, 8€ (pass annuel = libre accès à toutes les expositions valable pendant un an: 25€).
Quelles sont les contributions réelles et les limites des nouvelles technologies/des recherches scientifiques en matière de développement durable en Afrique sub-saharienne? Tel est l’enjeu d’actualité de l’exposition « Quand l’Afrique s’éveillera » présentée à la Cité des sciences et de l’industrie. De quoi donner quelque espoir…
L’Afrique subsaharienne – 48 Etats répartis entre l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique de l’Est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe – est aujourd’hui au coeur de l’enjeu stratégique mondial sur le développement durable. Que ce soit en termes d’impact du réchauffement climatique (avancée de la désertification) ou d’émigration massive (fuite des cerveaux vers les pays du Nord).
Or, plus de 200 millions de personnes sont actuellement sous-alimentées. Quarante pour cent de la population n’a pas accès à l’eau potable et un enfant sur six n’atteindra pas l’âge de cinq ans…
Voilà de quoi réveiller les consciences. Surtout qu’innovation technologique et progrès scientifique ne se traduisent pas systématiquement en bénéfices pour les populations locales. Etat des lieux.
Une agriculture plus performante pour contrer la malnutrition
L’agriculture reste la principale source de revenus des économies africaines.
Problèmes: les cultures de rente (café, cacao, coton), introduites au début du XXe siècle pendant la colonisation et destinées à l’exportation font concurrence – au niveau des sols et du calendrier agricole – aux cultures vivrières (manioc, igname, sorgho) nourrissant les populations locales. Un phénomène qui est exacerbé dans les régions à faible densité diluvienne.
Solutions: Au nord du Cameroun, par exemple, des paysans poursuivent la culture du mil, alors que le coton occupe l’essentiel des terres, grâce à une variété de mil pouvant être repiquée par saison sèche sur les lits des fleuves. Au Burkina Faso, la technique traditionnelle du zaï – faire des trous pour le semis avec du compost ou du fumier, récupérer des débris organiques apportés par le vent, et faciliter la circulation de l’eau – permet la culture de nouvelles terres. Les prévisions de la mousson (projet financé par l’UE) permettraient d’anticiper les semences et de profiter d’une irrigation naturelle.
Bémols: L’importation de produits agricoles étrangers à bas prix pénalise les producteurs locaux. L’augmentation des surfaces cultivées n’a jamais sorti l’Afrique de la famine. La « révolution verte » initiée en Asie a certes permis d’augmenter la variété de cultures à haut rendement. Mais la diffusion de ces innovations en milieu rural est restée très limitée en Afrique et cette révolution implique un ajout massif d’engrais et de pesticides nuisibles à l’environnement. Les cultures OGM n’ont pour l’instant pas tenues leurs promesses (combattre les carences en vitamines A, C, en fer, en protéine; faire des cultures dans des régions arides, sur des sols salés; améliorer la conservation des céréales dans les greniers) et leur prix élevé les rendent inaccessibles aux petits agriculteurs. Les techniques d’action sur les nuages pour déclencher la pluie, la récupération de la rosée, le dessalement de l’eau de mer sont trop coûteuses. Quant au AMMA (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine), encore faudrait-il que les paysans – le plus souvent illettrés – comprennent le programme…
Consolider les systèmes de santé
Lutter contre le paludisme (1 million de morts), la tuberculose, les maladies diarrhéiques (700 000 décès), le sida (2 millions de morts) qui touchent les jeunes adultes, soit la classe d’âge la plus productive, représente le défi N°1 en matière de santé.
Problème: L’accès aux soins. Seule une femme enceinte séropositive sur dix reçoit actuellement un traitement pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant.
Avancées: Certaines maladies sont sur le point d’être éradiquées comme la lèpre ou la poliomyélite. Le nombre de décès par rougeole a diminué de moitié depuis 1999 grâce aux campagnes de vaccination. La culture de l’armoise par des paysans de Tanzanie et produite par une société africaine qui en transmet le principe actif aux laboratoires internationaux constitue une bonne opportunité pour lutter contre le paludisme. Depuis févier 2007, des mouches mâles stériles sont accouplées à des femelles tsé-tsé sauvages afin de réduire leur taux de reproduction. La solution est actuellement testée en Ethiopie après que la méthode a fait ses preuves sur l’île de Zanzibar.
Bémols: L’aide internationale à la santé, de l’ordre de $2 par personne par an, est largement insuffisante – il faudrait la multiplier au moins par huit. Seulement cinq des pays riches – la Norvège, le Luxembourg, le Danemark, les Pays-Bas, et la Suède – consacrent, comme promis, 0,7% de leur revenu annuel (PIB) à l’aide publique au développement. Une aide, dont la gestion est par ailleurs insuffisamment contrôlée et efficace.
Meilleure exploitation des richesses naturelles
Problèmes: La transformation locale de ces ressources (hydrocarbures ou pétrole) en produits finis n’est pas économiquement viable. Les régions sont souvent enclavées, ce qui complique leur transport. Surtout, elles font l’objet d’une grande convoitise qui suscite pillages et conflits armés.
Bémol: La forte croissance chinoise et la demande exacerbée américaine seront-elles source de nouveaux conflits ou de levier de développement ?
Favoriser le retour, même ponctuel, des cerveaux
Solution: Plutôt qu’un « retour au pays » difficilement concevable aux vues des disparités de niveau de vie entre les pays du Nord et du Sud, les Nations-Unies préconisent une « circulation des compétences ». Le projet TOKTEN (Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals) permet ainsi à des experts maliens vivant à l’étranger d’effectuer des missions d’enseignement de courte durée. « Si demain un Africain inventait le vaccin contre le paludisme et devenait Prix Nobel, cela changerait l’ordre du monde! », s’enthousiasme Bonaventure Mvé-Ondo, philosophe de l’Agence universitaire de la francophonie (Canada).
Une exposition qui se base sur les faits, les chiffres, mais aussi les interviews de scientifiques, experts en tout genre, et journalistes de média africains. Des films tournés spécialement pour l’exposition témoignent des innovations locales et technologiques. Enfin, des sculptures et des peintures d’artistes africains (Ndary Lo, Niko, Emile Youmbi, Ismaël Diabaté) permettent d’appréhender de manière exhaustive l’avenir de l’Afrique qui selon un proverbe local saura se relever un jour de ses misères. « La nuit dure longtemps mais le jour finit par arriver ».