Le Centre Pompidou présente un hommage au père de la sculpture en fer, le catalan Julio Gonzalez, figure majeure de la création artistique du début du XXe siècle. Sa Tête en profondeur (1930) a été la première oeuvre du nouveau siècle a être classée trésor national.
Deux cents oeuvres retracent la vie et l’oeuvre de Julio Gonzalez (1876-1942), qui a influencé la sculpture contemporaine, notamment les praticiens du fer comme David Smith, Eduardo Chillida, Jean Tinguely ou encore César.
Si ses premières oeuvres, figuratives, évoquent le classicisme d’un Puvis de Chavannes, Gonzalez se tourne progressivement vers un art plus radical, suite à sa coopération avec Pablo Picasso. Ses oeuvres deviennent nettement plus allégoriques à la fin de sa vie, à l’aube des horreurs de la Seconde Guerre mondiale.
Julio Gonzalez naît à Barcelone en 1876 dans une famille d’orfèvres. Il est formé au métier de ferronnier d’art et réalise des objets d’art décoratif et des bijoux (présentés dans les premières salles de l’exposition). Il montre son travail dans différents salons comme l’Exposition Générale des Beaux-Arts et de l’Industrie (1892/94/96/98). Parallèlement, Julio s’exerce à la peinture et au dessin. Il fréquente le cabaret artistique Els Quatre Gats, où il rencontre de nombreux artistes catalans.
Dès 1899-1900, Gonzalez s’installe dans le quartier de Montparnasse, à Paris. Il se lie d’amitié avec Picasso, Manolo, Torres-Garcia et Paco Durrio.
Après un premier mariage, dont il aura une unique fille, Roberta – dont le legs au musée national d’art moderne a permis cette exposition – l’artiste travaille comme apprenti soudeur aux usines Renault. Il découvre la technique de la soudure autogène grâce à laquelle il crée ses premières sculptures en fer, notamment un Crucifix.
Mais c’est sa collaboration avec Picasso, entre 1928 et 1932, qui va réellement lancer Gonzalez. Pablo choisit Julio pour réaliser ses constructions en fer, telle la Femme au jardin (1929-30 ; musée Picasso), proposée – en vain – comme monument à la mémoire de G. Apollinaire. La femme devient le sujet de prédilection de Gonzalez, en particulier, le thème traditionnel de la femme à la toilette. Comme l’atteste Femme se coiffant I, présentée ici comme pièce majeure de la collection et symbolisant les sculptures linéaires en fer des années 1930. La silhouette de la femme est non seulement représentée par les plaques et les barres en fer. Mais aussi par les espaces vides qui forment « des mouvements d’espace » (Pierre Bruguière).
Ainsi est évoqué le concept clé de la sculpture de Julio Gonzalez – les « dessins dans l’espace », décrit ainsi par l’artiste: « Il n’y a qu’une flèche de cathédrale qui puisse nous signaler un point dans le ciel où notre âme reste en suspens! Pareil à la nuit, où, dans l’inquiétude, les étoiles nous indiquent des points dans le ciel, cette flèche immobile nous en indique aussi un nombre sans fin. Ce sont ces points dans l’infini qui ont été les indicateurs de cet art nouveau: dessiner dans l’espace. » (Julio Gonzalez, Picasso et les cathédrales, Picasso sculpteur, 1931-1932).
Oeuvre bien plus abstraite, Femme au miroir (1937), est proposée pour le pavillon espagnol de l’Exposition Internationale de Paris. Mais le commissaire lui préfère la Montserrat – la Vierge catalane – oeuvre violente et universelle qui symbolise les souffrances des Espagnols pendant la Guerre civile.
Un thème qui se retrouve dans la Petite Montserrat effrayée (1941-42) ou Tête de Montserrat criant (1942) – tête en bronze d’une vierge hurlant à la mort. Oeuvre allégorique par excellence, incarnant toute la souffrance et l’horreur de la guerre que les hommes se livrent. Mais que seule une figure féminine peut exprimer.
Une exposition chronologique et thématique qui dessine l’alternance constante chez Gonzalez entre abstraction et figuration. Malgré la noirceur qui se dégage des sculptures, en particulier les métamorphiques des années 1937 (figures de Daphné) et 1939 (l’Homme cactus, à la structure hérissée de pointes, marquée par le biomorphisme [tendance artistique, proche du Surréalisme et de l’Art Nouveau]) -, se dégage toujours un espoir, symbolisé par la Femme au miroir. Un gramme de finesse dans un monde de brutes…