Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur 75007
Niveau 0, côté Seine, salle d’exposition temporaire
Jusqu’au 21 janvier 2007
Rens.: 01 40 49 48 14
Le musée d’Orsay propose de redécouvrir l’oeuvre de Maurice Denis (1870-1943) en mettant en lumière sa période nabie et symboliste (1889-1898), occultée par quelques toiles symboliques comme Taches de soleil sur la terrasse (1890).
Théoricien du mouvement Nabi, qu’il co-fonde avec Edouard Vuillard (1868-1940) et Pierre Bonnard (1867-1947) – à qui la Réunion des Musées Nationaux a rendu hommage récemment – Maurice Denis fait à son tour l’objet d’une rétrospective d’importance.
Il faut avouer que rien n’avait été fait depuis l’exposition de 1970 à l’Orangerie de Paris, et celles de 1994 à Lyon, Cologne, Liverpool et Amsterdam. Le musée d’Orsay en a donc profité pour sortir le grand jeu!
Sont présentés, de manière essentiellement chronologique, une centaine de tableaux peints entre 1889 et 1943, ainsi que trois de ses plus célèbres ensembles décoratifs.
Les débuts nabis
Au lycée Cordorcet (1882), il rencontre Vuillard, et plus tard à l’Académie Julian, Sérusier, Ranson, Bonnard, et Ibels, avec lesquels il fonde le groupe des Nabis (= prophètes en hébreu).
Denis fréquentera également les néo-impressionnistes, auxquels il emprunte les semis de pointillés (cf. Mystère de Pâques, 1891).
Les peintres nabis entendent rénover la peinture et les arts décoratifs (cf. Théories, 1912) en refusant le réalisme triomphant des années 1890. Leur art se caractérise par une simplification des formes, et repose sur une transposition de la nature. M. Denis résume ainsi leur idéal: « Se servir de la nature sans perdre de vue l’objet essentiel de la peinture, qui est l’expression, l’émotion, la délectation » (in Journal, 1930).
Inspiration mystique
Cette spiritualité trouve son apogée dans son amour pour Marthe Meurier, « plus belle que les rêves », avec qui il aura cinq enfants.
Véritable muse du peintre, Marthe est représentée dans de nombreux portraits, souvent sous forme double ou triple, dans une tentative de symboliser les différentes facettes de sa personnalité (cf. Triple Portrait de Marthe fiancée, 1892).
De manière plus générale, les jeunes filles angéliques, que Maurice dénomme ses « figures d’âme », incarnent le cheminent spirituel, dans un paysage stylisé – notamment par le recours à l’arabesque (cf. L’Echelle dans le feuillage, 1892).
Plus tard, le peintre va jusqu’à associer des événements privés à des épiodes religieux qu’il met en scène dans son environnement familier – sa villa Montrouge à Saint-Germain-en-Laye (cf. Le dessert au jardin ou portrait de l’artiste et de sa femme au crépuscule, 1897).
La longue maladie de Marthe incite D. Maurice à acheter et décorer (1915-30) la chapelle Saint-Louis du Prieuré – chapelle privée attenante à la maison du peintre. Celui-ci espère que par le don de sa personne et de son talent artistique, Dieu écoutera ses prières et sauvera Marthe. Néanmoins, sa conviction religieuse étant tellement forte, Denis confie que quoi qu’il arrive à Marthe, il se doit d’offir le plus beau de son art à Dieu (cf. le film de Christine Tomas) . Marthe meurt en 1919. Le peintre retrouvera un bonheur teinté de nostalgie avec sa seconde épouse, Elisabeth Graterolle dit Lisbeth (1922), qui lui donnera deux enfants.
Les « panneaux décoratifs »
Les Nabis veulent abolir les frontières entre la toile du chevalet et le décor. Grâce aux commandes de collectionneurs fortunés (Henry Lerolle, Ernest Chausson, Alfred Stoclet), Maurice Denis réalise des « imitations de tapisseries » (cf. Automne, 1894), pour des plafonds ou des portes de salon (cf. l’hôtel particulier bruxellois d’Alfred Stoclet, réalisé par l’architecte Josef Hoffmann).
Ces panneaux décoratifs trouveront une ampleur décuplée dans les ensembles décoratifs, comme l’atteste la reconstitution de l’Histoire de Psyché (1912), destiné au salon de musique de l’hôtel particulier du moscovite Ivan Morosov, grand collectionneur d’art occidental. Cinq panneaux reconstituent les amours de la mortelle Psyché avec le dieu Amour, d’après le conte d’Apulée – symbole de l’accession à l’immortalité de Psyché grâce à l’amour.
Le japonisme des « belles icônes »
Ces « belles icônes » se caractérisent par des couleurs posées en aplats vifs et contrastés (cf. L’Etang bleu, 1890), parfois séparés par une ligne sombre.
A l’image des estampes japonaises, les arrières-plans se confondent avec le premier plan, ce qui ôte toute profondeur au tableau (cf. Soir Jaune sur Fourqueux, 1890) et le transforme en « belle surface décorative ».
Quinze ans avant Matisse et les Fauves, Maurice Denis prouve ainsi que le paysage n’est pas une fenêtre ouverte sur nature mais que « toute oeuvre d’art [est] une transposition, une caricature, l’équivalent passionné d’une sensation reçue ».
Des paysages à la fois primitifs et modernes
Une tendance qui se confirme avec La Solitude du Christ (1918), dont les couleurs sont particulièrement chargées.
Une exposition aux oeuvres sublimes, rarement vues en France. Un accrochage thématique plutôt que chronologique aurait néanmoins eu le mérite de montrer plus nettement l’évolution des principes artistiques de Denis. Tandis que ce va-et-vient entre ses penchants nabis et classiques, ses peintures paysagistes et religieuses, a tendance à brouiller les pistes.