Jusqu’au 24 février 2020
Musée du Louvre, Hall Napoléon, Paris 1er
C’est assurément l’exposition de l’automne à ne pas manquer, en dépit de l’affluence ! Le musée du Louvre présente 11 tableaux de Léonard de Vinci – sur moins de 20 qui lui sont attribués par les spécialistes – et une centaine d’études préparatoires et manuscrits de la main du maître. Une exposition qui a demandé, restauration d’oeuvres comprise, pas moins de dix années de préparation !
Pour célébrer les 500 ans de la mort de Lionardi di Ser Piero da Vinci, Léonard, fils de Messire Piero, né à Vinci (près de Florence) en 1452 (mort à Amboise en 1519), le musée du Louvre choisit de mettre en avant le rôle de la peinture que Léonard plaçait au-dessus de toute activité humaine.
Or, son insatiable curiosité et la diversité de ses savoirs ont rendu confuse l’image que l’on se fait du rapport de L.D.V. à la peinture. Le propos de l’exposition est de montrer que l’ensemble de ses recherches n’ont pour finalité que la maîtrise de la traduction plastique du mouvement.
« Afin que la peinture puisse traduire la vérité des apparences, Léonard a voulu en faire la science universelle du monde physique », commente Vincent Delieuvin (conservateur en chef du Patrimoine, département des Peintures, musée du Louvre). « Cela a été l’aurore de la modernité, dont la grandeur a surpassé dans la conscience contemporaine, la noblesse de l’Antiquité », ajoute-t-il.
Cet intérêt pour le mouvement naît de la formation de L.D.V., élève en 1464 d’un grand sculpteur du XVe siècle : Andrea del Verrochio. Ce dernier lui apprend le caractère sculptural de la forme et l’expression du drame par le jeu de l’ombre et de la lumière.
Parallèlement, Léonard s’intéresse aux créations de l’atelier rival des Pollaiuolo et aux apports de la peinture flamande (portrait de 3/4 et technique de l’huile). Son passage de la sculpture à la peinture s’incarne dans l’Annonciation, la Vierge à l’Enfant dite Madone à l’oeillet (confrontée ici à celle d’Alesso Baldovinetti) et le portrait de la Ginevra de’Benci.
Léonard va plus loin dans ses recherches pour traduire le mouvement et s’accorde la liberté du componimento inculto (composition inculte) qui nie la perfection de la forme et dont l’inachèvement inhérente devient sa marque (cf. Saint Jérôme pénitent).
L.D.V. quitte Florence pour Milan vers 1482. Il s’installe auprès du duc Ludovic Sforza, surnommé le More, qui lui confie l’oeuvre qui fera la renommée de son temps : la Cène pour le réfectoire du couvent des Dominicains de Milan, Santa Maria delle Grazie. Ses brillants collaborateurs Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d’Oggiono participent à la réalisation de l’oeuvre, comme on peut le voir ici d’après leurs études de figures. Mais l’oeuvre sera rapidement ruinée par l’humidité des murs, incompatible avec la technique de Léonard, fondée sur la transparence de fins glacis à l’huile.
La curiosité insatiable de LD.V. le mène à une enquête systématique de tous les aspects de l’univers physique. Pour traduire la vérité des apparences, il lui faut connaître l’intériorité des phénomènes, les lois qui les gouvernent. L’homme de Vitruve (vers 1489/1900) est exposé dans cette section sur les sciences mais, selon les exigences italiennes, l’oeuvre devra être mise autant de temps à l’abri qu’elle n’aura été exposée à la lumière (très faible dans toute l’exposition).
Après le componimento inculto, Léonard invente le sfumato, technique qui permet aux tonalités de se fondre graduellement rendant les contours imprécis (cf. Sainte Anne, le portrait de Lisa del Giocondo – le fameux sourire de la Joconde – ou encore Saint Jean Baptiste).
Le parcours se clôt de manière surprenante sur une micro section lorsque L.D.V. vit au château du Clos-Lucé. Mais elle comprend un magnifique portrait en sanguine représentant le maître de profil, attribué à Francesco Melzi (vers 1515/18).
L’exposition présente les cinq tableaux que le Louvre possède (dont trois restaurés pour l’occasion) – collection la plus importante au monde – et 22 dessins confrontés à une centaine d’oeuvres (peintures, dessins, manuscrits, sculptures, objets d’art) issues de collections prestigieuses : Windsor Royal Collection, British Museum, National Gallery de Londres ; Pinacothèque vaticane ; Bibliothèque Ambrosienne de Milan ; Galleria Nazionale de Parme ; Gallerie dell’Academia de Venise ; musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg ; Metropolitan Museum de New York ; Institut de France…
Au-delà de ce rassemblement conséquent d’oeuvres, l’atout de cette exposition réside dans les nouvelles technologies. Les réflectrographies infrarouge permettent grâce à un caisson lumineux derrière l’esquisse de faire ressortir la puissance des jeux d’ombre et de lumière. Sans oublier l’expérience de la Joconde en réalité virtuelle. Non seulement, on approche au plus près de l’oeuvre, mais on découvre ses secrets de fabrication. Cerise sur le gâteau, on embarque sur une des machines volantes du maître – attention à ne pas tomber de son siège et gare à ceux qui ont le vertige ! – pour survoler un paysage de la Renaissance italienne. Sublime !