Editer le design: Pour un, pour tous, l’édition en question
Danese, éditeur de design à Milan
Musée des Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli 75001
25 octobre – 21 janvier 2007
Rens.: 01 44 55 58 78
Exposition en deux volets, « Editer le design » au musée des Arts décoratifs, entend expliquer l’évolution de la forme des objets à travers le temps. Avant de traiter d’une icône du milieu: Bruno Danese (1957-91) – l’un des plus grands designers italiens.
La théorie : Pourquoi (ré)éditer le design?
D’après la problématique de l’exposition, le but ultime de l’industrie du design est « d’évoluer pour mieux diffuser ». Assez banal somme toute. Sauf que dans ce cas précis, une donnée particulière entre en jeu. En effet, la tendance moderne combinée à l’essence du luxe veut qu’un objet soit personnalisé, donc produit de manière unique.
Alors, comment produire plus, tout en donnant l’illusion de commercialiser des objets réservés à quelques happy few?
La première solution consiste à rééditer les objets de manière régulière avec plus ou moins de modifications en fonction des besoins financiers, écologiques, sanitaires, ou techniques.
Chaque modèle de la chaise longue basculante inventée par Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand (1928) est signée et numérotée.
Tandis que le flacon de parfum N°5 de Chanel est réédité tous les 20 ans, avec d’infimes changements, tant la forme du flacon initial (1921) garde de sa modernité.
Mais ces produits rares souffrent de la contrefaçon, donc de la multiplication « populaire ».
A l’inverse, pour répondre à des impératifs économiques, certains objets, telle la chaise d’écolier – dont le premier modèle est édité par un inconnu dans les années 1940 – sont reproduits par de nombreux fabricants et subissent d’importantes modifications (forme, matériel).
Entre ces deux positions antagonistes figurent des objets produits en masse, mais qui ont subi peu d’altérations au cours de leur réédition. Tel le verre gigogne Duralex – ce fameux verre de cantine! – lancé en 1946 par Saint-Gobain, qui a connu un énorme succès, lié à sa forme pratique – il ne glisse pas des mains et s’empile -, offre un faible coût de revient, et est résistant. Son nom vient d’ailleurs d’une citation latine: Dura lex sed lex (La Loi est dure mais c’est la loi).
La seconde solution est de disposer dès l’origine d’une idée géniale! Comme la bibliothèque en acier trempé de Ron Arad (1993), en forme d’escargot. Elle a donné lieu à la production d’objets de matière identique, d’abord édités en série limitée (cf. This Mortal Coil, the Bookworm, One Way or Another, Lovely Rita), puis en grosse série bien que dans un matériau moins cher comme le plastique. Ainsi, un objet unique, conçu à l’origine pour la consommation personnelle de son inventeur, s’est démultiplié via les collectionneurs pour devenir un objet de grande consommation.
Un cas pratique: Bruno Danese
Bruno Danese (né à Milan en 1957) est un entrepreneur et un homme de culture.
Lorsqu’il rencontre Jacqueline Vodoz, photographe passionnée de communication, il lance l’idée d’un atelier expérimental, et ensemble fondent la maison Danese, qui sera le fer de lance du design italien dans les années 1950.
Les deux compères s’entourent d’artistes-designers de la même trempe comme Bruno Munari – l’un des fondateurs du MAC (Mouvement de l’Art Concret, 1948), Enzo Mari, Franco Meneguzzo, et Angelo Mangiarotti. Plus tard, ils seront rejoints par Achille Castiglioni (1983), Kuno Prey (1986), et Marco Ferreri (1990).
Leurs velléités: réinventer le goût et redéfinir la culture de l’objet.
Dès 1969, Bruno Danese différencie la production, des éditions d’art – objets cinétiques (axés sur la perception optique) destinés à être produits en petite série par des moyens industriels – des éditions de jeux pour enfants. Une distinction qui est reprise, de manière très (trop?) simple, par la scénographie de l’exposition.
Une exposition facile d’accès qui ravira les amateurs de design moderne. Toutefois, l’esthétisme d’une bibliothèque en forme de vers ou d’un calendrier métallique en désorientera sûrement plus d’un!