Les peintures à l’acrylique, (parfois finies à l’huile) de Lise Le Coeur consistent en un assemblage de formes rectangulaires – lettres manuscrites, cartes de jeux, tickets de cinéma ou d’entrée de musée,carreaux de faïence reproduisant le bleu de Delft -, parfois rondes (portraits encadrés, assiettes), qui forment un décor d’intérieur, à la manière de la peinture flamande dans son âge d’or (XVI-XVIIè siècles). Mais, pas question de chercher la signification psychanalytique de cette association d’images, prévient Lise!
Certes, la supperposition des motifs répond à un thème défini (in)consciemment par l’artiste à l’avance, à l’origine de la création du tableau, mais libre ensuite à l’imagination et le vécu de chacun d’y voir ce qu’il a envie d’y voir. Lise ne cherche pas à faire passer un message, dissumulé derrière l’amoncellement des images et des mots qu’elle reproduit, mais plutôt à susciter une histoire dans le mental de son public.
Etudiante brunette, Lise rate (puis-je le répéter?!) le concours de l’Ecole des Beaux-Arts. A la place, elle fait un rapide apprentissage chez Christian Zeimert et Zwy Milshtein, qui influencera ses premiers tableaux, avant de choisir de se consacrer à sa vie de famille.
Seulement, quand on est la descendante d’une grande famille d’artistes, on ne peut échapper à l’emprise de ce souffle familial hors du commun.
Les Le Coeur sont des architectes, de grands architectes: Charles Le Coeur (1830-1906) a dessiné les grands lycées parisiens – Louis-Le-Grand, Montaigne, Fénelon, Condorcet – et quelques provinciaux (Bayonne, Aix-en-Provence, Montluçon). Son fils, François Le Coeur (1872-1934) a conçu les établissements postaux français (1923-31).
Le père de Lise, Claude Le Coeur, dévie légèrement de cette tradition filiale en ne bâtissant pas matériellement, mais en visionnant un Paris futur (A la Recherche d’un plan perdu, 1948). Il se représente la tour Saint-Jacques, au coeur d’un quadrillage de boulevards qui restitueraient au quartier son rôle de forum…
Très tôt – dès le premier architecte de la lignée Le Coeur, la peinture fleurit au sein de la famille. Charles-Clément (1805-97) se lie d’amitié avec le Grand Prix de Rome Emile Signol (1830). Le peintre réalise de nombreux portraits de la famille Le Coeur.
Plus tard, Jules Le Coeur (1832-82) côtoie Sysley, Monet, et Renoir (cf. Portrait de Charles Le Coeur, 1874, Musée d’Orsay ; et celui de Marie Le Coeur, Musée de Strasbourg). Les trois peignent ensemble dans l’atelier du peintre suisse Charles Gleyre (1806-74). Jules est le premier à pressentir le talent du futur génie impressionniste et encourage Renoir dans ses débuts.
Permanence du passé. Ironie du sort aussi. Justement, Lise inclut dans ses peintures des cartes, symbole du hasard et de l’univers du jeu. Or – dernière « coïncidence » -, comme son amie peintre Robin Richmond aime à le raconter, les oeuvres de Lise recèlent de trésors cachés. A découvrir dans l’exposition de la galerie Terre des Arts.