47 rue Raynouard 75016, 01 55 74 41 80
Entrée libre pour la collection permanente
Réputé poursuivi par d’hypothétiques créanciers, Honoré de Balzac (1799-1850) trouve refuge de 1840 à 1847, sous le pseudonyme de M. de Breugnol, au coeur du village de Passy.
L’écrivain loue un appartement de cinq pièces, qui représentent les dépendances d’une « folie » – maison de plaisance à l’architecture fantaisiste – du XVIIIè siècle. Il s’agit en effet d’une demeure construite à l’envers. Il faut descendre trois étages pour accéder par un jardin à la porte d’entrée – verte – , « s’ouvrant presque dans le toit » (Théophile Gautier, Ecrivains et artistes romantiques) et qui donnait directement dans la salle à manger.
« Une fois la porte ouverte, une odeur délicieuse flattait l’odorat de l’homme de goût, – comme cette odeur des pommes vertes dont il est question dans le livre de Salomon. C’était un office où sur des tablettes soigneusement dressées on admirait toutes les variétés possibles de poires de Saint-Germain qu’il est possible de se procurer. Balzac, avec son sourire rabelaisien, drapé de sa robe de chambre en cachemire, vous recevait ensuite, et vous arrêtait quelque temps à une appréciation savante des diverses qualités de ses poires. »(Gérard de Nerval, Oeuvres complètes).
On commence par un vestibule ornementé d’une maquette de la maison. Puis vient la présentation des fréquentations de l’auteur. Car, bien que travaillant dans la solitude, H. de Balzac frayait avec les grands de ce monde, comme l’atteste le portrait de Louis-Philippe.
S’ensuit la salle dressée en l’honneur de Me de Balzac, ex Me Hanska, que l’écrivain épouse après dix-huit années de correspondance passionnée!
L’aventure commence lorsqu’en mars 1832 une lettre en provenance d’Odessa parvient à H. de Balzac. Elle est signée « L’Etrangère ». Eve Hanska, jeune femme de la noblesse polonaise, est pourtant mariée et a déjà une fille. Sa condition de naissance ne l’empêche pas de commettre quelques infidélités romantiques avec l’écrivain français à Neuchâtel, Genève, Saint-Petersbourg, Dresde, et enfin Paris. Afin de loger madame dans les conditions qui lui sied – « la cabane de Passy » étant evidemment trop rudimentaire pour la belle – Honoré lui achète un hôtel particulier (mais comment ses supposés créanciers ont-ils pu fermer les yeux?!) rue Fortunée, rebaptisée aujourd’hui rue Balzac (VIIIè arrondissement parisien). Une porte magnifiquement marquetée prouve la finesse de goût de l’auteur, qui a personnellement conçu la décoration intérieure pour combler sa « blanche et grasse volupté d’amour ».
Cette pièce expose également la fameuse « canne à ébullition de turquoises », souvent citée dans sa correspondance, à la fois emblème du dandy et marque d’amour pour Me Hanska, dont le collier de jeune fille orne le bout de la cane – ce qui fit l’objet de nombreuses caricatures de l’époque.
C’est ici, loin de l’agitation mondaine parisienne, que Balzac écrit sa Comédie Humaine et quelques unes de ses autres grandes oeuvres telles que Splendeurs et Misères des courtisanes (1847).
Pourtant conscient des effets nocifs de l’excès de cet « excitant moderne », comme le révèle son Traité sur le sujet (1839) – illustré au sous-sol par Pierre Alechinsky – Honoré de Balzac meurt prématurément, à l’âge de 51 ans (1850), éreinté par son inspiration créatrice. L’écrivain ressent si profondément les histoires qu’il invente qu’il aurait – selon la petite histoire – fait appeler à son chevet le médecin de la Comédie Humaine, Horace Bianchon.
Tel un sculpteur qui « pioche et pétrie ses idées », Honoré de Balzac affirmait que – contrairement à la position académique qui réduit l’auteur à un réaliste – « la mission de l’art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer ». Pour cela, « nous avons à saisir l’esprit, l’âme, la physionomie des choses et des êtres […] » (Balzac, Le Chef-d’oeuvre inconnu).
La dernière salle est donc logiquement consacrée aux statues représentant l’écrivain. « Plus que personne, j’aime la statuaire, car je comprends le monde d’idées qui s’enfouit dans les travaux cachés qu’elle exige » (Balzac au sculpteur Etex, 1842).
Génèse d’une tragi-comique histoire. Zola s’indigne qu’aucune statue n’honore le « grand romancier du siècle ». La Société des Gens de Lettres réagit en confiant à Henri Chapu une sculpture du défunt. L’artiste meurt inopinément en 1891 laissant derrière lui une simple esquisse. Auguste Rodin est saisi de la commande. Sa conception érotique choque et son projet est refusé (1898). Alexandre Falguière reprend le flambeau; mais il meurt en 1900. L’oeuvre est finalement terminée en 1902 par Paul Dubois.
Le maître mué en pierre peut alors rejoindre ses personnages gravés (sur bois) de la Comédie Humaine, présentés dans l’une des salles avec une frise généalogique.
Une demeure ancienne, décidément hors du temps, où réalité et fiction se confondent.