Les Années Folles 1919-1929
Jusqu’au 29 février 2008
Musée Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, 10 avenue Pierre 1er de Serbie 75116, 01 56 52 86 00, 7€
Le musée Galliera inaugure une précieuse exposition sur la mode des Années Folles (1919-1929). Une ère qui voit naître la personnalité de la « Garçonne » – prémice de la femme moderne. Arrière au machisme!
Le mouvement de la libération du corps de la femme apparaît vers 1880 en Angleterre, avec les Préraphaélites qui tentent de moderniser les vêtements et d’abolir le corset. Idem en Autriche au moment de la Sécession. En France, il faut attendre le début du siècle pour que des créateurs comme Paul Poiret (1879-1944) et Mariano Fortuny (1871-1949) poursuivent ce vaillant objectif.
La première salle de l’exposition présente des exemples caractéristiques des robes sans taille, aux lignes droites. Style Directoire avec une large ceinture intérieure en gros grain – pour remplacer le corset – chez Poiret; style grec (cf. la robe « Delphos » portée par Isabelle Duncan) chez Mariano. Au niveau des tons, dominance du vert absinthe, et du mauve/rose. Motifs géométriques et couleurs contratés sont de rigueur.
Dans les années 1910, le beau monde aime danser (avant le repas pour un thé dansant ou après le dîner pour des bals et des surprise parties improvisées chez soi grâce au phonographe), fréquenter les music halls où Maurice Chevalier et Mistinguett attirent les foules, et les clubs de jazz – découvert en 1917 – comme Le Boeuf sur le toit (rue Boissy d’Anglas, Paris 8e) qui réunit Picasso, Léger, Radiguet, Cocteau, Aragon, etc..
Les robes s’adaptent aux nouveaux rythmes, notamment le charleston révélé par Joséphine Baker au théâtre des Champs-Elysées (1925) et au son duquel des effets de lumière sont projetés au plafond. La robe ne doit pas entraver le mouvement mais l’accompagner. Décolletée, sans manches, elle est de forme droite dite tubulaire. Si la ligne est sobre, point ne le sont les décors: broderie de fils d’or ou d’argent, strass, perles, et pierreries dessinent des bijoux en trompe-l’oeil (sautoirs, ceintures). Plus le rythme s’accélère, plus la robe raccourcit venant à révéler la cheville, puis le genou.
Les Années Folles se caractérisent par le contraste entre les tenues de jour, sobres, en crêpe et jersey de soie ou de laine, et celles de la nuit, sophistiquées, en mousseline de soie. La doublure d’un manteau va jusqu’à être taillée dans la même étoffe que la robe. Lors des « galas de mode » – ancêtres des défilés de mode – les mannequins portent les créations haute couture de Jenny, Jeanne Lanvin, Jean Patou, Callot Soeurs et, bien sûr, Chanel. En 1916, cette dernière récupère le stock du fabricant de jersey Rodier et produit le premier tailleur qui a fait date.
Les mannequins de l’exposition sont de l’époque, c’est à dire bien plus large et vieilli qu’aujourd’hui. Quant aux robes, elles ont été portées par de « vraies » femmes, précisent la commissaire de l’exposition, Sophie Grossiord (conservateur en chef au musée Galliera). D’où leur amplitude, leur ligne loin du corps.
1925 marque un tournant dans cette période, suite à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels à Paris. Pour la première fois, la mode est omniprésente. Le Pont Alexandre III est investi par quarante-quatre boutiques de luxe.
En 1926, Chanel met à la mode la petite robe noire – une couleur jusqu’alors réservée au deuil -, symbole de l’élégance sobre. Le Vogue américain la surnomme « la Ford de Chanel ».
Les silhouettes des mannequins s’allongent et prennent des poses affectées. Certains sont assis sur un sofa, les jambes croisées – symbole de la Parisienne élégante. Publicité à l’appui, jeunesse, minceur et dynamisme s’impose aux femmes. La beauté androgyne est née. Le corps doit être plat, sans poitrine, sans taille, ni hanches. Pour être svelte et élancée, « le bandeau applatisseur de poitrine » américain ou la bande Velpeau en France se chargent d’écraser la poitrine. Les ceintures accélérateurs de circulation et le point roller (dire que l’on vend toujours ce genre d’artifices aujourd’hui…) proclament venir à bout des rondeurs en remodelant le corps par massage. D’autres courageuses ont recours au vinaigre amaigrissant du Docteur Peytoureau, au bain-sveltesse Leichner ou aux sels de bain amaigrissants. A chacune sa recette de grand-mère corroborée par de pseudo études scientifiques. Imaginez que la découverte de la radioactivité incite les médecins à élaborer des produits antirides à partir de substances radioactives…
Helena Rubinstein ouvre sa première « clinique de beauté » rue du Fauboug Saint-Honoré en 1927, tandis que sa rivale Elizabeth Arden se déploie aux Etats-Unis. Nivéa démocratise les crèmes de beauté dans leur légendaire pot bleu.
Le maquillage, autrefois signe de vulgarité, devient l’atout de la garçonne – un terme popularisé par le succès du roman éponyme de Victor Marguerite (1922). Elle ose se repoudrer en public et ainsi matérialiser la superficialité de son apparence, transgressant l’interdit religieux. Elle se parfume avec des senteurs masculines (cf. Le Sien de Jean Patou) et des notes de cuir (cf. Le Tabac Blond de Caron).
La garçonne a le teint hâlé car elle pratique des sports en extérieur, comme le tennis, le golf, l’équitation, le ski (à Chamonix, qui accueille les premiers Jeux Olympiques en 1924). Elle conduit elle-même son automobile, fume avec un étui à cigarettes et éventuellement « sniffe du sucre ».
Elle porte le carré court, incarné par Louise Brooks au cinéma. Le jour, chez elle, elle se contente d’un pyjama, par-dessous un manteau d’intérieur, tous deux raffinés – pour remplacer la robe de chambre -. Le soir, elle s’habille élégante et pavoise, gracieuse, sous une pluie de N° 5 de Chanel (1921), Shalimar de Guerlain (1925) ou Arpège de Lanvin (1927).
Cette tension contradictoire entre la volonté de s’émanciper et celle de répondre aux diktats de la mode, s’aliénant de fait à des paramètres subjectifs et aléatoires, révèlent l’essence de la femme contemporaine. Une exposition retour aux sources pour un effet cathartique assuré!
Je trouve cet article superbe. Je suis fasciné par la mode des années 1920 et je trouve que cet article illustre bien cette époque. J’aurais tout fait pour aller visiter cette exposition mais malheureusement faute de moyen je pense que je ne pourais le faire.J’en souffre beaucoup car c’est une occasion unique et j’encourage tout ceux qui le peuvent d’aller la visiter.