Jusqu’au 8 décembre 2008
Musée Guimet, 6, place d’Iéna 75116, 7€
Pour la toute première fois, des oeuvres d’un sanctuaire shintoïste japonais sortent de leur lieu sacré. Le musée Guimet a l’honneur d’accueillir ces peintures sur paravents et cloisons coulissantes des XVII et XVIIIe siècles. Une rare invitation à une contemplation spirituelle.
Il est dédié au culte des montagnes et à la déesse de la mer (gardienne des transports et des dangers maritimes). Konpira-san devient un centre religieux fréquenté dès l’époque de Heian (794-1185). Il joue un rôle particulièrement important à partir du XVIIe siècle.
Le shintoïsme représente la religion propre aux Japonais, par opposition au bouddhisme venu de Chine via l’Inde. Ce culte ne reconnaît aucun fondateur. Il prend ses sources dans le chamanisme et relève d’une nature animiste. Chaque phénomène naturel (rochers, montagnes, rivières, abres, animaux) incarne un kami – une divinité -, ce qui élève leur nombre à pas moins de 800! Recherche de pureté et culte des ancêtres caractérisent la culture shintô (littéralement, religion qui honore les ancêtres).
Les rites de purification par l’eau (misogi) consistent en ablutions précises, ce pourquoi les Japonais sont connus pour leur goût des bains, onctions et massages.
Le nom shintô apparaît au VIIIe siècle afin de le distinguer du bouddhisme chinois.
Sa légende fondatrice (qui se retrouve en Inde, Chine et Indonésie) stipule que le Japon doit son origine à un couple de divinités. Penchés sur l’océan, Izanami-no-Mikoto (l’Hôtesse) et Izanagi-no-Mikoto (l’Hôte) frappent d’une lance les eaux dont ils font émerger l’île Onogorojima sur laquelle ils s’installent. Leur union produit les autres îles de l’archipel japonais, toute la nature et de multiples divinités, dont les plus importantes sont la déesse du Soleil, Amaterasu, et son frère, le dieu des tempêtes, Susano-o.
A partir du VIe siècle, le bouddhisme est adopté par la cour impériale japonaise et les nobles. Le shintô reste une croyance populaire. Progressivement, le bouddhisme gagne toutes les couches de la société. A l’époque de Nara (710-794), les bouddhistes construisent des temples à proximité des sanctuaires et font correspondre à chaque kami une divinité bouddhique. Les kami sont alors perçus comme une émanation terrestre de divinités bouddhiques. Aujourd’hui, la plupart des Japonais s’avouent à la fois shintoïstes et bouddhistes.
On reconnaît un santuaire shintô à son portique (torii) qui le précède et représente le seuil entre le monde extérieur et le lieu sacré. Il est souvent orné de bandes de papier arrangées deux par deux (gohei) à valeur d’offrandes; elles symbolisent la présence du kami. Parfois, une corde sacrée (shimenawa) est tendue sur le torii. Le sanctuaire lui-même, en bois, se compose d’un hall principal (honden) et d’un oratoire (haiden) où les fidèles déposent leurs offrandes (ils ne sont pas autorisés à pénétrer dans le honden). D’autres sanctuaires plus importants comportent une arène de sumô (lutte sacrée) ou un théâtre nô. Les rituels sont célébrés par un kannushi (prêtre), masculin ou féminin, élu et rétribué par la communauté. Le prêtre pratique, en dehors des rituels, une vie tout à fait normale, sauf s’il est affecté à plein temps à un grand sanctuaire, tel le Konpira.
Comme les temples bouddhiques, les sanctuaires shintoïstes sont associés à la création artistique (cf. exposition Zen et art à Kyôto au Petit Palais). A la fois lieu de méditation et de culture, le Konpira-san soutient les arts et les sciences depuis la période d’Edo (1600-1867) et conserve aujourd’hui plus de 6.000 oeuvres. Pour la plupart des peintures murales – cloisons coulissantes et paravents – qui relèvent de l’architecture intérieure du sanctuaire. La scénographie de l’exposition rend compte de cette disposition singulière, propre aux intérieurs japonais. Les cloisons coulissantes (fusuma) et les paravents (byôbu) constituent des « murs de vent » et « permettent d’agrandir ou de diminuer l’espace par un habile jeu de cloisons mobiles », explique la commissaire de l’exposition, Hélène Bayou.
L’exposition s’achève sur les oeuvres contemporaines de Takubo Kyôji, conseiller culturel du Konpira-san, en charge de sa rénovation. Cet artiste majeur au Japon s’est fait connaître en France en restaurant une chapelle (1989/99) près de Falaise (Normandie), qu’il a ornée de peintures murales représentant des pommiers. Pour le sanctuaire de la mer, Takubo Kyôji a imaginé des camélias aux couleurs indigo – symbole de sa renaissance.