Jusqu’au 9 septembre 2007
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson 75116, 01 53 67 40 00, 5€
Artiste afro-américaine, Kara Walker suscite autant de polémique dans le camp « blanc » que « noir ». Comme le laisse à penser la première rétrospective européenne consacrée par le musée d’Art Moderne de la Ville de Paris à la talentueuse jeune femme (née en 1969), qui caricature avec plaisir, sensualité, et provocation, le « je t’aime, je te hais » entre les Blancs et les Noirs Américains.
L’artiste se réfère également à la satire telle que l’employait Hogarth, l’estampe et le dessin (cf. Goya), ou la lanterne magique de la chambre de Proust à Combray. Bref, que des référents occidentaux! Qui plus est, permettent à une artiste de 27 ans (1997) d’accéder à la gloire très vite. Un succès qui semble remettre en cause les avancées des années 1960 liées au Civil Rights Movement et à la tendance du « Black is Beautiful ».
Mais Kara Walker a aussi le don d’agacer les « Blancs » en leur jetant en pâture la violence de la colonisation des Etats du Sud et la ségrégation raciale qui s’en est suivi. Et même si la France n’est pas l’Amérique, le public français ne peut que se sentir visé aussi…
« Aussi longtemps qu’il y aura un Darfour, aussi longtemps que quelqu’un dira ‘Tu n’es pas d’ici’, il semble pertinent de continuer à explorer le terrain du racisme » (Kara Walker).
Pour autant, Kara Walker ne répond pas au problème de l’esclavage, ni ne tente d’assener une quelconque vérité historique. « Il y a dans ce que je fais une absurdité, un excès, et donc un hiatus énorme entre les sources et mes reconstructions fantaisistes ».
Mais cet univers de cartoons lui permet de montrer la souffrance causée – indéniable – et de maintenir la mémoire alerte. Car aujourd’hui l’esclavage se poursuit avec celui des femmes et des enfants.
Ainsi, sous couvert de frivolité, comme au théâtre, le message passe au mieux. Le visiteur est pris au piège par la beauté des silhouettes. Dès qu’il s’approche pour les examiner, dès qu’il se permet d’entrer dans l’oeuvre, la cruauté, la violence représentée, le frappe. Pour mettre à bas ses préjugés et reconnaître l’interdépendance de sa relation à l’autre plutôt que de se satisfaire de son penchant dominateur. Une sacré leçon d’humanisme.