Une jolie fille rien que pour moi
Aurélie Antolini, Collection Les Mues, Editions Intervista, 224 pages, 14€
Premier roman d’Aurélie Antolini, 29 ans, Une jolie fille rien que pour moi, rappelle le lecteur à ses premiers émois d’enfance. Ecrit dans un langage parlé tonique, ce titre de la collection Les Mues – autour de la thématique du changement – évoque avec une douce violence les ébats d’une mère divorcée, remariée, et de son fils, onze ans, qui découvre son père biologique et son premier amour…
Avec un sens de la formule électrique, Aurélie Antolini livre un premier roman qui se lit d’une traite – il se dévore en une soirée – aussi vite que l’auteur dit l’avoir écrit (« comme j’aurai bu un verre d’eau »).
Pourtant, elle se projette vingt ans en arrière et se met dans la peau d’un narrateur masculin. Ce travestissement ne l’empêche pas de décrire avec justesse les émotions et pensées de son protagoniste, balloté au gré des amours de sa mère.
« Voilà, Gisèle c’est ma mère. Elle a beau être moche et porter une culotte de cheval sous ses jupons, y en a un qui l’a épousée et qui l’a aimé comme un fou. Mon père. Après quelques nuits ratées, Gisèle a demandé le divorce pis elle s’est fait la malle (avec moi dans le bide).
Elle a décidé de mettre toutes les chances de son côté pour aimer son prochain: elle s’est fait regonfler et raboter d’un peu partout. Résultat, y en a un qui s’est pointé et qui a oublié de repartir.
Moi je suis resté entre eux. Comme un truc vaguement encombrant. Gisèle disait que c’était l’amour avec un grand A, et moi je pensais que c’était la merde avec un grand M. »
Enfant peut-être, mais doté d’une lucidité aiguisée, le narrateur confie sa première histoire d’amour. Aussi intense que celle de Gil et Jessica (Quand j’avais cinq ans je m’ai tué, Howard Buten), le tragique en moins.
« Je crois qu’on aime jamais plus fort que quand on est petit. Ce qui est bizarre, c’est que les vieux nous prennent jamais au sérieux. Ils sont tellement tristes de plus être jeunes qu’ils veulent se garder le privilège de l’amour. »
Du romantisme à la sauce sociale moderne, alliant douce émotion et esprit gouaille. Un mix détonnant.