Après Frank Gehry, le Centre Pompidou présente cette fois-ci la « première rétrospective complète consacrée à Jeff Koons en Europe ». Encore du lourd !
Il est vrai que Jeff Koons a fait l’objet de « petites » expositions à Versailles (quand même!) ou feu la galerie Jérôme de Noirmont. Mais aucune n’avait présenté une rétrospective depuis le début de carrière de celui qui est devenu l’un des artistes les plus célèbres – et les plus controversés – de l’art contemporain.
Jeff Koons (né en 1955 à York, Pennsylvanie) se caractérise par ses oeuvres en série, triviales, colorées et gonflables. Pour Bernard Blistène, commissaire de l’exposition (directeur du musée national d’art moderne), J. Koons représente le dernier artiste Pop. Le thème de l’enchantement et de l’illusion traverse son oeuvre, en particulier à travers l’image récurrente du lapin.
Le parcours, entièrement chronologique, débute sur ses premiers Inflatables, jouets gonflables, glanés dans les boutiques à trois sous du sud de Manhattan, qu’il dispose sur des plaques de miroir. Une référence à l’art minimaliste qu’il reprend dans sa série The New, exposant des aspirateurs Hoover dans des casiers transparents éclairés de tubes fluorescents (cf. Dan Flavin). Hoover, c’est le symbole de l’American Way of Life, avec son ascension sociale.
L’artiste, qui travaille alors comme courtier à Wall Street pour financer sa production artistique, s’intéresse de près au rêve américain miroité par le sport. Il réalise la série Equilibrium, en faisant appel au prix Nobel de physique Richard P. Feynman pour intégrer un ballon de basket dans un aquarium complètement ou à moitié rempli d’eau.
Avec la série Luxury and Degradation, il faut réimprimer sur toiles des publicités dont la promotion d’alcools chers sont de composition plus abstraites que ceux à destination des classes inférieures.
Vient ensuite la série Banality, composée de reproductions d’objets de souvenirs que les gens aiment posséder chez eux, qu’il fait dupliquer en taille géante, grâce à des artisans spécialisés, dans des matières nobles – porcelaine royale (Michael Jackson and Bubbles), bois polychrome.
Une petite salle Made in Heaven, réservée aux adultes, présente ses ébats sexuels avec l’actrice de « films pour adultes » [apparemment, il y a une différence avec l’industrie pornographique] et parlementaire italienne Ilona Staller, dite Cicciolina. Qu’il épouse, rendant la lecture de son oeuvre ambigüe : s’agit-il de deux amants qui s’aiment ou de deux acteurs qui jouent leur rôle ?
Leur histoire d’amour finit mal, la mère emmène leur fils à Rome. Koons crée la série Celebration puis Easyfun qui sont autant de reproductions en inox ou de peintures de jouets hyper-réalistes que Bernard Blistène interprète comme des « témoignages d’amour que l’artiste envoie à son fils ». L’artiste crée d’ailleurs en 2007 The Koons Family Institute ou International Law & Policy pour combattre les enlèvements et l’exploitation des enfants dans le monde.
2008 marque un tournant : l’artiste se tourne vers l’art classique (séries Antiquity et Gazing Ball, sa dernière série en date). Il utilise, ou plutôt la centaine d’assistants de son cabinet – à l’image des ateliers d’artistes de la Renaissance -, ont recours à un plâtre spécial, dont le moulage soutient une boule en verre soufflé d’un bleu intense, posée en équilibre. L’artiste précise que ces gazing balls sont des éléments de décoration extérieure typiques de sa Pennsylvanie natale, soulignant ainsi l’inéluctable devenir décoratif des oeuvres d’art.
Au final, « la personnalité qui se rapproche le plus de Koons serait non pas Duchamp avec ses ready-made, ni Picasso avec la mythologie personnelle qu’il s’est construite, non plus Warhol avec sa maîtrise de la communication mais Salvador Dali, aussi obsessionnel que lui dans sa quête de la perfection du travail fini », commente B. Blistène.
A la sortie de cette visite, je vous avouerai que l’art de Koons m’est apparu bien plus complexe que je ne le présupposais ! Son oeuvre, qui s’affiche lisse, est en fait marquée par des fissures, à l’image de sa Liberty Bell ou de son Split Rocker dont la fracture balafrant la face souriante fait preuve d’une certaine violence. Koons se démarque par sa volonté de relier l’art savant à la culture populaire, dont il se revendique sans honte. L’artiste, qui nage en plein courant consensuel, se retrouve dans la position paradoxale de se révéler subversif, en créant ou plutôt en se ré-appropriant des objets du quotidien afin de les offrir tels quels, sans aucune lecture critique, au public le plus large possible !