Face à l’Impressionnisme, Jean-Jacques Henner
Jusqu’au 13 janvier 2008
Musée de la Vie romantique, hôtel Scheffer-Renan, 16 rue Chaptal 75009, 01 55 31 95 67, 7€
Le musée de la Vie romantique présente une exposition sur Jean-Jacques Henner, un peintre du XIXe siècle, célèbre à son époque mais tombé dans l’oubli depuis. Une belle occasion de découvrir son oeuvre singulière, autant emprunte de réalisme que d’une grande spiritualité.
Jean-Jacques Henner (1829-1905) était le contemporain de Degas, Manet, Degas, Monet, Pissaro, Renoir, Fantin-Latour, Bazille, etc., bref toute la clique des Impressionnistes, qui eux sont restés dans les annales de l’histoire de l’art.
C’est que son art dérange. D’une part parce que ses compositions, ultra simples, se focalisent sur un sujet biblique tels sa Madeleine (1878) ou l’étonnant et poignant Jésus au tombeau (1879) – rien qu’une méditation sur la mort!
D’autre part parce que le style de Henner mêle réalisme et sfumato (effet vaporeux obtenu par superpositions de couches légères de manière à rendre les contours du sujet imprécis, comme enveloppé de fumée). Une technique mise au point par Léonard de Vinci, qui confère au sujet une part de mystère, surtout lorsque celui-ci se trouve être (cf. Rêverie, vers 1904/5) une femme à la douceur virgilienne, contredite par une chevelure rousse éclatante et à la peau nacrée, souvent représentée nue, comme un appel à la tentation. Figure d’ange ou de démon?
Pourtant, Jean-Jacques Henner – issu d’une famille de cultivateurs alsaciens – a connu les honneurs en son temps. Non seulement il reçut de nombreuses distinctions dont le sésame de l’époque – le Grand Prix de Rome (1858) pour Adam et Eve retrouvant le corps d’Abel – qui lui ouvre les portes de la Villa Médicis (1859-64). Voyage italianisant dont il revient changé, les peintres de la Renaissance italienne exerçant une grande influence sur son oeuvre, notamment Caravage et Raphaël, puis Titien et Corrège (cf. La Descente de croix). Henner devient également Grand Officier de la Légion d’Honneur (1903).
Surtout, il est reconnu par ses pairs, qu’il cotôie au Café Guerbois, au 9-11 Grande rue des Batignoles (aujourd’hui, 9 avenue de Clichy), consacré temple de la vie moderne par Manet. Et par les collectionneurs privés, telle Madame Charles Kestner qui lui commande L’Alsace. Elle attend (1871). Une oeuvre qui devient le symbole de la perte de l’Alsace et de sa résistance républicaine face à l’Empire prussien, et que la généreuse mécène offre à Léon Gambetta – farouche opposant au traité après la guerre de 1870.
De même que l’Etat français (cf. La Chaste Suzanne, 1864, ou Saint Sébastien, 1888, tous deux achetés pour le musée du Luxembourg) ou les institutions culturelles étrangères (cf. son Autoprotrait acheté par le musée des Offices de Florence ou l’esquisse de Rebecca, vers 1903/5, sans doute pour le musée de San Francisco) lui commande/achète de nombreuses oeuvres. Ce qui fait de lui – selon ses détracteurs – un peintre officiel, « académique », qui manque d’imagination et dont ils critiquent les couleurs sombres. « Son imagination est vide; il ne sait point composer; il n’a d’autre sentiment que celui de la tache et du trou » (Louis de Fourcaud, 1889).
Position que Rodolphe Rapetti, conservateur général du Patrimoine et Directeur du musée national Jean-Jacques Henner (qui rouvrira ses portes à l’automne 2008, après six années de travaux de rénovation), entend contredire par cette brillante exposition.