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J. S. Singer & J. Sorolla: deux peintres étrangers, longtemps ignorés en France

Peintres de la lumière
John Singer Sargent / Joaquin Sorolla

Jusqu’au 13 mai 2007

Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, avenue Winston Churchill 75008, 01 53 43 40 00, 9€

Ayant pour tradition d’organiser des expositions consacrées aux artistes du XIXè siècle, le Petit Palais redécouvre aujourd’hui deux peintres naturalistes, John Singer Sargent (1856-1925) et Joaquin Sorolla (1863-1923).

Plus de cent oeuvres apportent un nouvel éclairage sur la peinture post-impressionniste en Europe. Fervents admirateurs de Velazquez, Sargent et Sorolla s’intéressent autant aux jeux des lumières et des couleurs qu’à la peinture de tradition, fondée sur le naturalisme.

De prime abord, tout oppose les deux artistes. Leur origine sociale, leur éducation et leur personnalité sont aux antipodes.

John S. Sargent est né à Florence, d’un médecin américain réputé, et d’une fille de riche commerçant. Il voyage dès son enfance. En 1874, il entre dans l’atelier de Carolus-Duran à Paris, où il rencontre les impressionnistes, et s’intéresse en particulier à l’oeuvre de Manet. Mais, son désir de s’établir comme portraitiste réputé est ruiné par le scandale produit par sa représentation de Virginie Gautreau, connue sous le nom de Madame X, montrée – tenez vous bien – les épaules nues et avec un air provocateur!
Sargent doit se réfugier outre-Manche, où il devient rapidement le favori de la haute société britannique et nord-américaine. Rockfeller, Vanderbilt, T. Roosevelt, Robert Louis Stevenson figurent parmi sa clientèle privilégiée.

Joaquin Sorolla naît à Valence dans une famille modeste. Il devient orphelin à deux ans. Peu intéressé par l’école, mais fasciné par la peinture et le dessin, il s’inscrit à la Escuela de Artesanos (Ecole d’arts appliqués) de Valence, suivant les cours du soir dispensés par Cayetano Capuz. Une visite au musée du Prado (1881) fait naître en lui son admiration pour Velazquez, Ribera et Greco.
Entre 1885 et 1889, Sorolla obtient une bourse d’étude pour l’Italie. Il rencontre le photographe Antonio Garcia qui devient son protecteur et son beau-père. Joaquin épouse Clotilde en 1888. Il lui vouera une affection profonde tout au long de sa vie, comme l’atteste la tendresse qui se dégage des portraits de son épouse.
En 1900, Sorolla reçoit le Grand Prix de l’Exposition Universelle de Paris. C’est à cette date que Sargent et Sorolla se rencontrent et deviennent amis (cf. l’aquarelle dédicacée donnée par Sargent à Sorolla).
Six ans plus tard, la galerie Georges Petit consacre à Sorolla une rétrospective qui achève d’établir sa réputation en Europe.

En dehors du fort succès que rencontrent les deux artistes de leur vivant – contredisant par là même le mythe de l’artiste maudit -, ils disposent de leur traitement des blancs et de la lumière comme point commun. D’où le titre accrocheur, « marketing » dit-on communément aujourd’hui, de l’exposition totalement assumé par Dominique Morel, conservateur en chef du Patrimoine!

Les effets de lumière des peintures sont mis en valeur par la couleur des fonds muraux, qui évoluent du mauve foncé au mauve clair presque blanc, réservé aux salles consacrées aux dessins issus des collections du Petit Palais. Explications du scénographe Philippe Maffre: « Le mauve est la couleur complémentaire de l’ocre que l’on retrouve dans les peintures de Joaquín Sorolla. Quant au violet blanchi qui vire au blanc, il permet d’éclaircir artificiellement les dessins, lorsque la lumière se fait plus faible ».

Si les deux artistes traitent de tous les genres – portraits, peintures décoratives, scènes d’intérieur, – chacun fait preuve d’excellence dans un domaine en particulier. Sargent, considéré comme un Van Dyck moderne, se distingue dans l’art du portrait, souvent de taille réelle. Un effet de grandeur accentué par un accrochage assez bas de manière à renforcer le dialogue direct entre le regard du personnage peint et le visiteur contemplateur. Les portraits plus intimistes de Sargent révèlent sa connaissance de la photographie avec des clichés pris sur le vif, tel Robert Louis Stevenson entrant à grands pas dans un salon, dont la porte cache sa femme affalée dans un fauteuil, surprise par son arrivée (1885).

Tandis que Sorolla excelle dans la scène de genre, notamment le monde des pêcheurs et de la mer (cf. le tableau d’entrée Le retour de la pêche, 1894). Ses oeuvres sont spécifiquement conçues pour être exposées dans les Salons espagnols. Mais, les portraits de Sorolla révèlent également son attirance pour la photographie (cf. Clotilde tenant dans sa main un appareil photo portatif in Instantané, Biarritz, 1906), avec des cadres souvent tronqués.

Les petites touches nerveuses et rapides de ces scènes marines, évoluant dans une gamme chromatique de blanc, de bleu et de brun sable ont fait cataloguer Sorolla comme un « impressionniste robuste ». C’est à dire qu’il n’était pas complètement impressionniste car ses personnages ne se dissolvent pas dans la lumière et sont fermement campés sur leurs pieds. Néanmoins, Dominique Morel, contredit cette analyse et affirme que Sorolla est avant tout un peintre naturaliste qui sait interpréter de manière subtile les plages de Méditerranée, baignées de lumière.

Une exposition remarquable, tant dans la qualité des oeuvres présentées, en provenance des plus grands musées du monde, que dans l’intelligence de l’accrochage. Le visiteur évolue entre ressemblances et différences entre l’art de Sargent et celui de Sorolla pour découvrir au final une égale excellence des artistes. Lorsqu’ils parviennent à se dégager de leur formation académique pour peindre librement, pour eux-même.

A noter: entre le 8 et le 18 mars 2007, le Petit Palais propose un parcours littéraire et poétique. Une comédienne-conteuse complète la visite de l’exposition par des récits afin de restituer l’atmosphère d’une société révolue et résolument désuète dans son insouciant bonheur de vivre. Sans réservation, cette activité gratuite est subordonnée au droit d’entrée.

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