Peindre l’âme russe
Jusqu’au 23 janvier 2022
Petit Palais, avenue Winston Churchill, Paris 8e
Peu connu en France, pourtant réputé internationalement dans le monde de l’art au 19e siècle, Ilya Répine bénéficie d’une grande rétrospective au Petit Palais. Découvrez le « Tolstoï de la peinture »!
L’oeuvre d’Ilya Répine retrace les profondes mutations que connaît son pays aux 19e et 20e siècles. Tant d’un point de vue politique (révolutions), qu’économique (misère des paysans), et culturel. Il était proche de l’écrivain Tolstoï dont une salle est consacrée à ses portraits (il en réalise pas moins de 70), du compositeur Moussorgski et du collectionneur Trétiakov qui donnera son nom à la célèbre Galerie nationale Trétiakov à Moscou.
Né dans une famille de serfs dans un village appartenant aujourd’hui à l’Ukraine, Répine sera sensible toute sa vie à la notion de liberté.
Le jeune Ilya se forme à la peinture d’icônes et entre à l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg. Il y rencontre Ivan Kramskoi (1837-1887), chef de file des Ambulants, qui pratiquent une peinture réaliste, se voulant le reflet de la vie du peuple. Sa présentation des Haleurs de la Volga (1870-1873) à l’exposition annuelle de l’Académie lui vaut une médaille d’encouragement. Dans ce grand format vertical, il transcrit le labeur des travailleurs, tirant un bateau et dote chacun d’une attitude différente pour leur conférer une existence propre. Cette oeuvre fait sensation et polémique ; elle assoit sa réputation.
En 1871, Répine obtient une bourse pour aller étudier à l’étranger. Il choisit la France qui accueille une centaine de peintres russes entre 1860 et 1900. Il s’installe à Montmartre avec sa première femme, Véra, et leurs enfants. Sous l’influence du paysagiste Alexeï Bogolioubov (1824-1896), l’artiste se rend en Normandie et pratique la peinture de plein air. Sa palette s’éclaircit. Au bout de trois ans, il rentre en Russie mais il reviendra à Paris pour exposer et être membre du jury aux Expositions universelles de 1889 et 1900.
Plusieurs salles sont consacrées à son talent de portraitiste. Cercle familial, hommes politiques dont les tsars Alexandre III et Nicolas II – avec de surprenantes vues en contreplongée -, auteurs, scientifiques, femmes du monde. Répine réalise plus de 300 portraits marqués par l’intensité psychologique de ses modèles. Il va jusqu’à représenter Ivan le Terrible tuant son fils Ivan, le 16 novembre 1581, montrant le tsar tuant son fils aîné, héritier du trône. Oeuvre iconique, elle est interdite d’exposition par Alexandre III puis victime d’un acte de vandalisme en 1913, et encore en 2018, qui l’oblige à être retirée des collections permanentes de la Galerie nationale Trétiakov pour être restaurée (encore en cours).
Pendant les révolutions de février et octobre 1905, Répine retranscrit les événements qui vont mener à la chute de la dynastie Romanov en 1917. Dans le portrait de Nicolas II, certains verront dans le rai de lumière à l’arrière-plan un présage funeste car il n’éclaire pas le trône. Face à ce portrait ambigu, Répine transcrit la liesse des révolutions de 1905.
En 1899, Répine, séparé de Véra, se lie avec l’écrivaine et photographe Natalia Nordman. Il achète un terrain à Kuokkala (ville qui a pris aujourd’hui le nom de Répino en son honneur), sur le territoire du grand-duché de Finlande, alors annexé à la Russie impériale. Répine y emménage définitivement en 1903. Sa compagne aux idées progressistes (connue aussi pour ses repas végétariens !) invite l’intellegentsia qui stimule son activité artistique. Mais avec la Première Guerre mondiale, le grand-duché de Finlande proclame son indépendance (1917), faisant de Répine un exilé forcé dont l’oeuvre est surveillée par la Russie soviétique.
L’artiste termine ainsi sa vie isolé, avec des difficultés financières. Souffrant de douleurs articulaires, il peint avec de larges touches expressives (Gopak, 1927/29). Il meurt en Finlande, sans être retourné sur sa terre natale, à l’âge de 86 ans.
Vous pourrez profiter de la visite de cette exposition pour voir les oeuvres de Jean- Michel Othoniel, tout juste élu à l’Académie de France, autour de la thématique de Narcisse, au sous-sol et dans le jardin du Petit Palais. Des oeuvres aux formes végétales, composées de perles de verre soufflé de Murano, joyeuses et colorées.