De l’enfer des prisons françaises aux images vintage d’une Italie intemporelle, la Maison européenne de la photographie présente (au moins) deux noms à retenir : Grégoire Korganow et Bernard Plossu.
Entre 2011 et 2014, Grégoire Korganow a été nommé Contrôleur des Lieux de Privation de Liberté. Autrement dit, contrôleur en prisons, ce qui lui a permis de photographier ce qui est habituellement inaccessible au regard. Il a eu librement accès et a eu l’autorisation de capturer l’intérieur des cellules, la cour de promenade, les parloirs, les douches, le quartier disciplinaire. De jour comme de nuit.
« La réalité que j’y ai éprouvée est peu spectaculaire. L’enfer de l’incarcération tient beaucoup à l’accumulation et la répétition de traitements indignes qui transforment l’ordinaire en cauchemar : les règles avilissantes, la solitude, la promiscuité, l’insalubrité, le désoeuvrement, l’inconfort… », explique-t-il. Sans oublier, la violence et les traces qu’elle laisse sur les corps.
Si le photographe montre peu les visages, le corps est omniprésent dans ses images. De fait, c’est la seule chose qui reste au prisonnier dans ces espaces clos.
Son travail forme un corpus unique (une centaine de photos est exposée) sur l’état de la prison en France aujourd’hui. Des endroits insalubres, jonchés de détritus qui font le bonheur des rats aux nouveaux centres pénitenciers surprotégés pour les gardiens et où les couleurs vives ne parviennent pas à cacher l’inhumanité des lieux.
Le photographe ne cherche pas le sensationnalisme, il garde ses distances. Et pourtant ses photos sont percutantes et nous forcent à voir ce que l’on ne fait qu’entendre, parfois. Là, impossible de fermer les yeux. Et d’oublier.
Sa série « Père et Fils » est également troublante. Est-ce la nudité ou la pose, peau contre peau, qui trouble tant ?
Deux étages plus haut, Bernard Plossu nous emmène en Italie qu’il photographie depuis 1979.
« Je vais partout, dès que possible, des montagnes du Piémont par tous les temps, au sud, au centre classique, de Cuneo à Bari, de Turin à Palerme, de Bologne à Cagliari et de Pitigliano à Alicudi ! Tout m’attire, et je photographie partout, à pied, en auto, en train, les paysages, les gens, les ambiances, l’architecture, le présent, le passé, le futur, la poésie… », explique ce photographe né au Vietnam en 1945, féru de cinéma.
Ses images ont une qualité vintage et intemporelle qui pour être appréciées doivent être vues, à mon avis, avant celles de Grégoire Korganow. Bien trop puissantes pour éclipser la légèreté des autres.