Les Églises et la Shoah
Jusqu’au 26 février 2023
Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy-l’Asnier, Paris 4e
À l’aune de la commémoration des 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv (16 et 17 juillet 1942) et de l’ouverture des archives du Vatican, le Mémorial de la Shoah recoupe des documents historiques pour comprendre comment la Shoah a pu avoir lieu dans une Europe à majorité chrétienne.
L’exposition revient sur cet événement qui a fait prendre conscience au public des réalités d’extermination des Juifs par le régime nazi avec la plus grande arrestation de Juifs en France – 13 000 personnes dont près d’un-tiers d’enfants, rassemblés au Vélodrome d’Hiver pendant cinq jours avant d’être envoyés à Auschwitz. Moins d’une centaine d’adultes en reviendront.
Le parcours nous fait comprendre que derrière l’institution chrétienne, composées des Églises catholique, protestante et orthodoxe, se trouvent des hommes et des femmes qui ont réagi différemment. Certains se sont indignés plus que d’autres. Certains ont fait entendre leurs voix plus ou moins publiquement. Comme les archevêques Gerlier (Lyon) et Saliège (Toulouse) ou le pasteur Boegner (Nîmes). « Sans s’attaquer à l’injustice de fond de la législation antisémite, ces voix dénoncent le traitement inhumain infligé aux Juifs déportés et ont le mérite de briser le silence pesant de l’Église », commente Nina Valbousquet (historienne, École française de Rome), co-commissaire de l’exposition.
Brouillon du discours du pape de Noël 1942 qui explicite son dilemme, notes de l’ambassadeur de France auprès du Saint-Siège au Maréchal Pétain sur le statut des Juifs, Une du Candide « Oui, Pie XII savait » (1965), photographies, sculptures (La Synagogue aveugle, portail du transept sud de la Cathédrale de Strasbourg), extraits de films dont Le Cardinal (1963) d’Otto Preminger et Amen (2002) de Costa-Gavras, témoignent des diversités de réaction et du lent travail de repentir des Églises chrétiennes, qui ont toutes activement participé à cette exposition, tient à préciser Caroline François, chargée des expositions du Mémorial de la Shoah.
Après la rafle du Vel d’Hiv, les Églises se sont mobilisées pour aider les fidèles à apporter de l’aide aux Juifs traqués : fabrication de faux papiers, certificats de baptême, hébergement, passage de frontière… Malgré le risque encouru d’arrestation, d’internement, voire de déportation.
Quant au Pape, il n’a qu’une marge d’action limitée. Il représente un micro-État avec une souveraineté limitée et doit respecter le principe de neutralité. Sa priorité : la survie de l’Église et la défense des fidèles. Les Juifs, non baptisés, ne relèvent pas de sa juridiction ecclésiastique. Et, force est de reconnaître, que l’enseignement chrétien souffle le chaud et le froid envers le judaïsme, « son éternel frère ennemi » qu’il considère comme inférieur tout en voulant le sauvegarder comme « peuple témoin » (Marie, Jésus, la plupart des apôtres sont Juifs).
Une exposition documentée, édifiante, à voir.