Jusqu’au 8 juin 2008
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-GOYA-GRAVEUR-GOYA.htm]
Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, avenue Winston Churchill 75008, 01 53 43 40 00, 9€ (+4,50€ pour la visite guidée, sans réservation)
On connaissait le Goya peintre du roi à la Cour d’Espagne. Mais qu’en est-il de sa facette de graveur? Le Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, dévoile aujourd’hui 210 estampes du maître espagnol. De ses premiers essais de 1778 aux audacieux Toros (Taureaux) de Bordeaux (1825).
L’exposition commence par présenter les oeuvres d’artistes qui ont influencé Francisco Goya (1746-1828). Rembrandt (1606-1669), Vélasquez (1599-1660) et Jean-Baptiste Tiépolo (1696-1770) qui dominent la scène artistique de l’époque. Hommes des Lumières, ils développent un art engagé, au service de la société.
Dire la vérité, telle est la lourde charge qui incombe à l’artiste du XVIIIe siècle, imprégné de la philosophie des Lumières. Son oeuvre Songe. Du message et de l’inconstance (1796/7) traduit cette pesante responsabilité qu’il assume en représentant une citadelle à l’arrière-plan d’une scène amoureuse, vouée à dénoncer l’adultère.
Quant aux estampes de tauromachie, elles décrivent moins le pittoresque de la corrida que l’esthétique d’un duel et le triomphe de la mort.
En 1775, Goya exécute des cartons (modèles de tapisserie) pour la Manufacture Royale de tapisseries. Il devient le protégé des Asturies, futur roi Charles IV, et commence une carrière officielle de peintre de la Cour.
Au sommet de sa gloire, Goya est frappé d’une violente maladie, qui manque de lui coûter la vie. A défaut, elle le rend définitivement sourd (1793). A cette époque, Charles V nomme Premier Ministre Manuel Godoy, un jeune garde du corps amant de la reine. Les Tribunaux de la Sainte Inquisition profite des intrigues amoureuses royales pour étendre leur influence.
Dans ce contexte troublé, Goya commence à peindre de petits tableaux hors commandes officielles, et remplit des carnets de dessin de scènes croquées à vif, dans lesquelles il puise son idée de gravures des Caprices (80 planches gravées à l’eau-forte et à l’aquatinte). Ces oeuvres mises en vente à Madrid sont rapidement retirées du marché sous la pression de l’Inquisition. Des exemplaires parviennent à traverser la frontière en circulant dans les fourgons des armées françaises. Les Caprices deviennent rapidement célèbres et passionnent les Romantiques comme Delacroix.
Fragilisée, l’Espagne devient l’objet de convoitise d’un ambitieux impérialiste, Napoléon. Ce dernier envoie son armée en 1807. De manière surprenante, les soldats français sont accueillis avec ferveur par la population locale, las des intrigues de la triade royale! Ferdinand VII monte sur le trône en 1808.
Mais le Général français Murat, contre l’ordre de Napoléon, entre dans Madrid. Une émeute sanglante s’ensuit, immortalisée par Goya, Deux Mai à la Puerta del Sol. Napoléon apprend la nouvelle du massacre et proclame illico son frère Joseph, roi d’Espagne et des Indes. Commence une guère d’indépendance qui durera cinq ans avec au final le retour sur le trône de Ferdinand VII.
A cette époque Goya vit à Madrid et côtoie les horreurs de la guerre. D’où sa série Les Désastres de la Guerre, dont le couturier Jacques Doucet (fondateur de la Bibliothèque d’art et d’archéologie devenue Bibliothèque de l’INHA) a acquis 39 épreuves, ici présentées.
La scénographie de l’exposition, imaginée par Véronique Dollfus et Patrick Hoarau, côtoie à merveille la palette de couleurs chaudes et les matières (métal et papier empruntés à la technique de la gravure) des oeuvres de Goya. Chaque partie de l’exposition est distinctement séparée par de grands panneaux et la mise en espace relève d’une grande fluidité. Le plus de l’exposition: une salle consacrée à la reconstitution d’un atelier avec une presse pour gravure en taille-douce (~1800) et les définitions du vocabulaire technique propre à l’estampe (*).
*Estampe: résultat de l’impression d’un support préparé – une matrice – afin d’obtenir le report à l’encre d’un motif sur une feuille de papier. La matrice permet plusieurs impressions. Lorsque la matrice est travaillée par l’artiste lui-même, on parle d’estampe originale, qui est considérée comme une oeuvre d’art à part entière.
Eau-forte: d’aqua fortis, terme désignant à l’origine l’acide nitrique. La plaque est d’abord enduite d’un vernis de protection, puis noircie à la fumée. Sans avoir besoin d’appliquer une pression importante, le graveur trace le motif à l’aide d’une pointe qui raye ce vernis fragile. Le cuivre mis à nu est ensuite creusé par l’acide, là où le vernis a été retiré. Les traits du motif sont alors obtenus en creux sur la plaque.
Aquatinte: permet d’obtenir non pas des traits mais une teinte de surface qui évoque un lavis d’encre. Le graveur dépose sur la plaque une poudre de résine de colophane ou de bitume de judée. Cette poudre adhère à la surface du cuivre chauffé. Lorsque la plaque est mise au contact de l’acide, les grains de résine forment une couche de protection et l’acide ne peut attaquer le cuivre qu’entre les grains. Les parties sur lesquelles le graveur ne désire pas appliquer d’aquatinte sont préalablement protégées d’un vernis appliqué au pinceau. La morsure de l’acide crée des aspérité de surface qui retiennent l’encre et produisent à l’impression une zone plus ou moins sombre, à la texture poudreuse.
Lithographie: inventée en 1798 par Aloys Senefelder, il s’agit d’une technique de gravure dite à plat (par opposition à « en creux »), basée sur l’antagonisme de l’eau et des corps gras. L’artiste dessine un motif au crayon, à la plume, ou au pinceau sur un bloc de pierre (calcaire de Bavière) avec une encre grasse. Au moment de l’impression, l’imprimeur humidifie profondément la pierre. L’eau, repoussée par le gras de cette encre, ne se dépose que dans les espaces laissés vierges par le motif. La pierre est ensuite encrée pour l’impression. L’encre étant grasse, elle ne se dépose que dans les espaces qui ne sont pas imbibés d’eau. Le motif apparaît alors recouvert de cette encre d’impression. Au cours du passage sous la presse lithographique, le papier reçoit un report du motif inversé.