Goya et la modernité / La dynastie Brueghel / Chu Teh-Chun, les chemins de l’abstraction
Jusqu’au 16 mars 2014
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Pinacothèque de Paris I (28 place de la Madeleine) et II (8 rue Vignon), Paris VIII
Drôle de programme à la Pinacothèque : trilogie Goya, Brueghel et Chu Teh-Chun! Que les relient-ils? Ce sont « des artistes témoins de leur temps ».
Satire religieuse et sociale dans les gravures de Goya, révolution esthétique et spirituelle chez les Brueghel, alliance des paysages traditionnels chinois et de l’abstraction occidentale chez Chu Teh-Chun.
Avant l’apparition de la photographie, seul l’artiste est à même de capturer les moeurs de son temps. La dynastie Brueghel témoigne ainsi sur trois siècles du mode de vie et des coutumes des Flandres et du Nord de l’Europe. Plus tard, Goya rend compte des horreurs de la guerre civile, des souffrances infligées à la population par les soldats de Napoléon autant que par les soldats espagnols. Goya critique aussi le rôle de la religion omnipotente et de l’Inquisition qui sévit au XVIIIe siècle. Quant à Chu Teh-Chun, qui se réclame de Goya, il montre à l’inverse comment l’artiste au XXe siècle s’est affranchi de la représentation de la réalité pour laisser libre cours à son imagination et à son ressenti face à un réel transfiguré.
Je m’attarderai sur la section consacrée à la dynastie Brueghel qui m’a le plus intéressée.
Pieter Brueghel l’Ancien (1520/1525-1569) naît à Anvers. Suite au séjour traditionnel en Italie, il reste subjugué par la puissance des paysages. Mais, à l’opposé du maniérisme italien, le peintre choisit de représenter ses contemporains dans leurs tâches quotidiennes, et non l’homme dans toute sa gloire car créature façonnée par la main de Dieu. En outre, il accorde une place prépondérante à la nature. Pieter Brueghel l’Ancien effectue une sorte de révolution copernicienne : l’homme idéalisé n’est plus au centre des compositions ; il prend sa place dans une nature dominante, qui n’est plus reléguée à l’arrière plan comme simple fond décoratif.
C’est que l’époque, avec le développement de l’optique, de la cartographie, de nouvelles terres, sur fond de mouvement de Réforme protestante, remet l’homme à sa place. Elle engendre une réflexion sur l’humilité de l’homme face à la création divine.
Le monde rural devient pour la première fois le sujet de la peinture. Les paysans sont représentés lors de fêtes populaires, avec force jets de vin, que le peintre moralisateur n’hésite pas à pointer du doigt. Pour autant, ses scènes sont grouillantes de vie et burlesques. Pieter Brueghel l’Ancien est surnommé le Rustique ou le Drôle.
Néanmoins, « peu de peintures de Pieter Brueghel nous sont parvenues. Ce sont ses suiveurs et ses héritiers qui vont perpétuer cette manière unique de représenter la réalité du monde moderne », commente Marc Restellini, directeur de la Pinacothèque.
Le paysage n’est plus stratifié, composé d’espaces superposés, comme chez Jérôme Bosch (Les Sept Péchés capitaux, vers 1500), en vue plongeante. « Il se fait profond, exalté par les possibilités offertes par la peinture à l’huile dans le traitement de la lumière, sensible et décoratif » (M. Restellini).
Pieter Brueghel l’Ancien a deux fils qui vont perpétuer cette nouvelle mise en scène du paysage : Pieter Brueghel le Jeune (1564-1636) et Jan Brueghel l’Ancien (1568-1625). Le Piège à oiseaux de l’aîné des fils Brueghel reprend la sensibilité du père pour ses contemporains. Dans cette scène d’hiver glacial, l’artiste illustre la précarité de la vie humaine. Les patineurs glissent sur le lac gelé, pouvant se rompre à tout instant. A l’instar de la planche en bois périlleusement posée sur le sol et sur laquelle reposent les oiseaux inconscients (à droite de l’oeuvre).
Jan Brueghel l’Ancien (ou I) fait preuve d’une dextérité technique qui lui vaudra un grand succès. Il collabore avec un autre grand maître de l’époque, son ami Pieter Paul Rubens. Sur la lancée de son père, tout en développement un style personnel, jan Brueghel I aide le paysage à passer de la forme verticale au déroulement horizontal.
La famille Brueghel devient influente dans le monde artistique dès les années 1560. Pendant plus d’un siècle, ses membres sont admis au sein de la prestigieuse guilde de Saint-Luc d’Anvers. Ils perpétuent le style « à la manière de Pieter Brueghel l’Ancien », qui devient une marque de qualité et de succès. Comme en atteste l’exposition.