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Franz Marc / August Macke

L’aventure du Cavalier bleu

Jusqu’au 17 juin 2019


August Mack, Joueuse de luth (Lautenspielerin)
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Gd Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI

Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, Paris 1er

Le musée de l’Orangerie présente pour la première fois en France les oeuvres de deux peintres allemands, imprégnés de culture française : Franz Marc (1880-1916) et August Macke (1887-1914). Unis par l’amitié et une même mort tragique au front en France, tous deux participent à l’aventure Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu), mouvement majeur de l’expressionnisme allemand.

Franz Marc se forme à l’Académie des Beaux-Arts de Munich – alors centre européen du symbolisme et de l’ésotérisme -, August Macke à l’Ecole des arts appliqués de Düsseldorf. Ils se rencontrent à Munich en 1910, August âgé de 23 ans, Franz de 30 ans. Ils partagent une même fascination pour la nature, et les avant-gardistes Cézanne, Van Gogh, Gauguin, Matisse, Delaunay. Une amitié profonde va naître, jamais reniée, même quand Macke s’éloignera du Cavalier bleu.

En 1911, Marc rencontre Vassily Kandinsky, avec qui il partage la spiritualité de l’acte créateur et la volonté de former une avant-garde européenne. Ensemble, ils créent Le Cavalier bleu – la couleur bleue se réfère au monde céleste, tandis que le cavalier renvoie à l’eschatologie chrétienne, notamment à saint Georges terrassant le dragon, allégorie du combat entre le bien et le mal.

Ensemble, ils publient l’Almanach du Blaue Reiter, pour diffuser leurs idées progressistes. Macke y écrit un essai sur les masques africains – l’art extra-occidental fait partie de leurs références – et réunit les images de la partie ethnographique de l’ouvrage. Marc et Kandinsky président le comité de rédaction. En parallèle, le groupe présente deux expositions à Munich (1912) avec leurs oeuvres et celles d’artistes européens comme Derain, Klee, Picasso et Henri Rousseau, qui leur ouvre la voie de la simplicité formelle.

Franz Marc, Chien couché dans la neige [Liegender Hund im Schnee], 1911
Huile sur toile. Francfort-sur-le-Main, Städel Museum, 2085 © Städel Museum -ARTOTHEK

Dès les premières oeuvres du parcours se perçoit le style lyrique de Marc. Nostalgique d’un monde où l’homme vivait en harmonie avec son environnement, il considère l’être humain déchu et le bannit de ses peintures. Seuls les animaux ont conservé une pureté originelle comme l’incarne Chien couché dans la neige : « L’animal ne fait plus qu’un la nature environnante, sans toutefois disparaître en elle », analyse Sarah Imatte, commissaire de l’exposition.


August Macke, Torrent de forêt, 1910 [Waldbach]. Huile sur toile
Bloomington, Eskenazi Museum of Art, Indiana University, don partiel de la Robert Gore Rifkind Collection © Kevin Montague

Macke, quant à lui, développe une approche plus raisonnée et naturaliste. Il donne la primauté à la couleur, teintes fauves cernées de noir (Torrent de forêt, 1910). Ses oeuvres dégagent un air enfantin, l’art des marginalisés (« fous » et enfants) étant une autre source d’inspiration des artistes réunis au sein du Cavalier bleu.

En 1912, Marc et Macke se rendent à Paris. Ils découvrent Robert Delaunay et sa série des Fenêtres que Macke fera exposer l’année suivante au Geronsclub de Cologne. Rencontre décisive car leurs oeuvres respectives deviennent plus fracturées, découpées en plans, et les couleurs semblent diffractées. Macke plus que Marc est sensible à l’orphisme comme en témoigne Trois jeunes filles avec des chapeaux de paille jaunes (1913).


Franz Marc, Les loups (guerre balkanique)[Die Wölfe; Balkankrieg], 1913
© Etats-Unis, Buffalo (NY), Albright-Knox Art Gallery, Dist. RMN-Grand Palais / image AKAG

De son côté, Marc rompt avec l’harmonie qui liait ses animaux à la nature. Avec la découverte du Futurisme – il organisera à Cologne l’exposition des Futuristes italiens (1913) -, il radicalise ses compositions. Ses animaux autrefois paisibles se muent en prédateurs. Dans Les loups (1913), il représente des lapins terrorisés par des chiens, « élancés et agressifs comme des obus, à la manière des futuristes », commente Cécile Debray (Directrice du musée de l’Orangerie). Oeuvre annonciatrice du conflit des Balkans, qui enclenchera la Première Guerre mondiale.


August Macke, Kairouan III, 1914. Aquarelle © LWL-Museum für Kunst und Kultur (Westfälisches Landesmuseum), Münster / Sabine Ahlbrand-Dornseif

Cette simplification formelle fait basculer Marc dans l’abstraction. Les corps des animaux ne sont plus que des formes pures. Tandis que Macke, qui s’éloigne du Blaue Reiter et des improvisions expressives de Kandinsky, s’installe en Suisse. Il part en Tunisie avec ses amis Paul Klee et Louis Moilliet. C’est par l’aquarelle et des compositions en damier qu’il traduit sa découverte de la lumière africaine. « Ses compositions au chromatisme vif s’apparentent à une abstraction géométrique, rythmée par de larges aplats colorés, à la manière de mosaïques ou de tapis orientaux », conclut Sarah Imatte.

Les conséquences de la Première Guerre mondiale font tomber dans l’oubli de la mémoire française le nom de ces deux peintres aux oeuvres poétiques et gracieuses. Si j’ai préféré les peintures de Macke, l’oeuvre graphique de Marc n’a rien à leur envier. Une découverte à ne pas manquer !

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