Jusqu’au 12 septembre 2010
Musée Zadkine, 100bis, rue d’Assas 75006, 4€
Véritable analogie du bois et du corps humain. Pour Wang Keping, sculpteur autodidacte chinois, le bois mis à nu se mue en des figures hybrides, mi-humaines mi-animalières. Matière vivante par excellence, le bois, sans son écorce, reflète les lignes de vie et « la chair des forêts ». Invité au musée Zadkine, W. Keping fait correspondre ses oeuvres créées entre 1989 et 2008 avec celles du maître des lieux, Ossip Zadkine (1890-1967).
La plupart des oeuvres représentent des corps de femme, ou d’homme et de femme (Adam et Eve, 2006; Couple, 2002), ou de femme et enfant (Maternité, 1995).
« Les veines du bois, ses fentes qu’il [Wang Keping] sait prévoir et utiliser, contribuent aussi grandement à l’aspect vivant de cet épiderme », observe le commissaire de l’exposition, Sylvain Lecombre (cf. catalogue expo).
Né en Chine en 1949 (province de Hebei, près de Pékin), Wang Keping a subi les affres de la dictature politique. Il est encore lycéen lorsque les Gardes Rouges l’envoient à la campagne pour être « rééduqué ». A sa libération, l’art lui permet d’exprimer sa révolte contre la violence et l’intolérance du régime.
W. Keping choisit le bois qui « lui chuchote son secret. Les arbres sont comme des corps humains, avec des parties dures comme les os, des parties tendres comme la chair, parfois résistantes, parfois fragiles. Je ne peux aller contre sa nature. Il ne me reste plusqu’à la suivre pour qu’elle accepte d’être ma complice », confie l’artiste.
En 1979, il participe à une exposition illégale sur les grilles de l’Académie des Beaux-Arts de Pékin, avec le premier groupe d’artistes non conformistes chinois Xing Xing (Les Etoiles). Ses sculptures satiriques à l’encontre du régime politique attirent l’attention du New York Times, qui reproduit en Une Silence. Une tête à un seul oeil et à la bouche obturée.
Si les formes sont sensuelles et pleines, elles traduisent néanmoins l’esprit toujours critique de l’artiste qui s’amuse à traduire la rusticité d’un homme ou la coquetterie d’une femme.
De même, les silhouettes ont beau s’identifier aux figures humaines, par l’agencement de leurs éléments (tête, seins, ventre, sexe) qui présentent des torsions inattendues, elles tendent vers une certaine forme de l’abstraction.
Repaire caché à l’abri de la civilisation urbaine, le musée Zadkine offre un sentiment de regénérence, accentué ici par les oeuvres de Wang Keping. Particulièrement sensible aux sculptures en bois qui évoquent une forme primitive, doublée chez W. Keping d’une approche contemporaine, j’ai ressenti la force vitale du bois qui semblait dégager des volutes d’énergie. Quant à l’aspect lisse, parfaitement poli, de la surface, sensuelle comme une peau, elle appelle irrésistiblement au toucher. Vite, quitter cet endroit romantique pour ne pas succomber à la tentation!