Jusqu’au 05 juillet 2010
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-LA-VOIE-DU-TAO-VOIE.htm]
Galeries nationales du Grand Palais, entrée Clémenceau, 75008, 11€
Certes le taoïsme (ou daoïsme), « religion » ancestrale chinoise s’adresse à qui veut bien la pratiquer. Mais en comprendre la voie – expression dont est issu le caractère chinois « Tao » -, les techniques et les pratiques, n’est pas donné au premier touriste occidental! L’exposition présentée au Grand Palais, en parallèle de Turner, tente, pour la première fois en Europe, de donner les bases de cette pensée à la fois philosophique, poétique. Autant que pragmatique, mystique et superstitieuse…
Mais venons-en plus en détails aux origines de la pensée taoïste. C’est là que ça se complique car les cartels ne sont pas toujours d’un accès pédagogique aisé…
Le taoïsme n’est pas une religion au sens où il est inféodé à un unique dieu créateur comme les religions monothéistes occidentales. De l’observation du ciel est née une conception de l’univers qui, sans intervention extérieure, est passé du Un au deux, du deux au trois, et du trois à l’infinité des êtres.
La Grande Ourse et l’étoile polaire, situées au centre du ciel, distribuent le souffle primordial (yuanqi).
Chaque point cardinal, appelé « orient » est symbolisé par une divinité animalière: à l’Ouest, le Tigre blanc; à l’Est, le Dragon; au Nord, le Guerrier noir (une tortue enlacée par un serpent); au Sud, l’oiseau vermillon (le Phénix).
Au centre figure la couleur jaune, sans symbole animal, qui représente la terre.
Chaque divinité est soumise à la conception binaire du yin et du yang.
A la base de toute les dualités, le binôme yin-yang – l’un ne peut pas supplanter l’autre ; la quête de l’adepte taoïste réside précisément à équilibrer ces deux forces pour atteindre l’union originelle et donc l’immortalité – engendre d’autres combinaisons d’abord spatio-temporelles, puis musicales, gustatives, viscérales, etc. C’est la cosmologie dite corrélative. Ainsi, le Dragon (Est) est associé au bois/ vert/ printemps/ foie/ Jupiter/ aigre. Le Phénix (Sud) va de pair avec le feu/ rouge/ été/ coeur/ Mars/ amer. Le Tigre (Ouest) s’allie au métal/ blanc/ automne/ poumons/ Vénus/ âcre. Le Guerrier (Nord) incarne l’eau/ noir/ hiver/ reins/ Mercure/ salé. Le Centre symbolise la terre/ jaune/ septembre/ rate/ Saturne/ doux.
Zhang Daoling crée la première école taoïste à partir des écrits de Laozi. Celui-ci lui aurait rendu visite à Zhang pour conclure un pacte (zhengyi meng, « l’Un orthodoxe ») en 142 afin de sauver les êtres qui suivraient la doctrine taoïste de la décadence du monde. Zhang crée la Voie des Maîtres célestes (Tianshi Dao).
La seconde principale école taoïste chinoise est fondée en 1159 par Wang Chonggyang. L’école quanzhen (« Ecole de la Perfection totale » ou de la « Parfaite réalisation ») prône la voie de l’alchimie intérieure (neidan), centré sur le jeûne de l’esprit pour obtenir l’union avec le dao. Méditation, concentration, visualisation sont au coeur de la pratique. L’organisation est monastique et le célibat obligatoire.
Comme dans tout courant religieux, le taoïsme s’accompagne d’un panthéon de divinités, dominé par les Trois Purs (le Vénérable céleste du Commencent originel, Yuanshi tianzun; celui du Joyau précieux, Lingbao tianzun; et celui de la Voie et de sa Vertu, Daode tianzun).
Il y a également les Huit Immortels, qui, contrairement aux dieux du monde céleste antérieur, étaient des humains qui ont atteint l’immortalité. Grâce à la cueillette de simples, l’absorbion d’élixir [produit de la fusion d’ingrédients minéraux divers, dont le lingzhi ou amadouvier, bois réputé pour être démonifuge]. Et bien sûr, leurs bienfaits civils ou militaires. Leur nombre est en constante évolution. L’empereur de Jade préside ce panthéon des dieux du ciel postérieur.
L’exposition présente des objets raffinés dont les chercheurs commencent seulement à étudier la symbolique. En effet, le taoïsme a souffert des affres de la révolution culturelle sous Mao et nombre de ses temples, manuscrits et trésors ont été détruits. Sans compter qu’auparavant, sa réputation était ternie par les polémiques liées aux disputes théologiques avec les bouddhistes. Il a même été soupçonné d’inspirer des rebellions populaires du fait de l’étendue de sa pratique dans la communauté chinoise. Enfin, à l’inverse du confucianisme, il ne dispose pas du statut de doctrine d’Etat. Ce n’est donc qu’en 1926 que l’ensemble des textes du canon taoïste a été transmis aux experts occidentaux.
La prise de conscience environnementale en Occident et la quête d’un mode de vie plus en respect avec la nature a permis de familiariser le public avec le mode de pensée orientale. Mais généralement, au-delà de la connaissance du joli graphisme du yin et du yang et de la pratique en extérieure des exercices de qigong, peu connaissent les fondements essentiels du taoïsme. Si certains principes restent obscurs à la sortie de l’exposition, elle permet une première approche en profondeur.
Pour compléter, justement, la part d’ombre laissée par l’exposition, je recommanderais le DVD co-produit par Arte, La Voie du Tao, le taoïsme ou l’art de l’immortalité, un film d’Yves Peretti. On y suit concrètement une jeune Française qui a tout quitté pour emprunter la voie du Tao. Son nouveau nom est Jing Xiu. Elle nous emmène visiter les temples, contempler les montagnes sacrées, rencontrer Maîtres et ermites. Nous voyageons de Pékin, au Temple des Nuages Blancs – centre officiel du taoïsme en Chine depuis 1980 -, au coeur du pays, dans les montagnes où Jing Xiu a été initiée. Magie des paysages, délicatesse des peintures chinoises, poésie des aphorismes. Et l’on saisit l’attrait que peut inspirer une éthique qui prône l’harmonie entre l’homme et la nature. Tout en se demandant comment la matérialité de la Chine moderne peut s’accomoder de ces pratiques ancestrales…