Jusqu’au 24 mai 2010
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Tentoonstelling-TURNER-ET-SES-PEINTRES-TURN.htm]
Galeries nationales du Grand Palais, entrée Champs-Elysées (square Jean Perrin) 75008, 11€
Lors de ma dernière visite à Londres, je n’avais pas eu le temps de pousser le pas jusqu’à la Tate Britain pour voir l’exposition encensée par la presse sur le génie britannique Joseph Mallord William Turner (1775-1851). Fort heureusement, co-organisée avec Paris (musée du Louvre) et Madrid (Prado), « Turner et ses peintres » traverse la Manche et investit le Grand Palais. Scénographie et oeuvres diffèrent afin de mettre en valeur les apports français dans l’inspiration turnerienne. De fait, l’artiste londonien n’aura de cesse de sublimer les sages compositions de Nicolas Poussin et les fondus lumineux de Claude Lorrain.
Particulièrement ambitieux, le jeune Turner, formé à la Royal Academy of Arts, créée en 1768 et dirigée par Sir Joshua Reynolds (1723-1792), suit un enseignement classique fondé sur l’études des maîtres anciens. « Etudiez donc les oeuvres des grands maîtres pour toujours. Etudiez-les d’aussi près que vous le pouvez, à la manière et selon les principes qui les ont eux-mêmes guidés. Etudiez la nature attentivement, mais toujours en compagnie de ces grands maîtres. Considérez-les à la fois comme des modèles à imiter et comme des rivaux à combattre » (Discours de Sir J. Reynolds, 1774).
Né dans un milieu modeste, Turner vend ses premières aquarelles aux clients de son père, barbier à Covent Garden, qui a su reconnaître et encourager le talent de son fils.
Alors qu’il est élu à l’âge de 26 ans, membre de la Royal Academy, faisant de lui le plus jeune artiste à acquérir ce statut privilégié, la Paix d’Amiens lui permet d’effectuer son premier voyage sur le continent, en France et en Italie.
A son retour, le peintre expose ses premières oeuvres d’histoire, inspirées du maître vénitien. Sans succès alors qu’il excelle dans les aquarelles. Genre auquel il donne ses lettres de noblesse, mal jugé à l’époque par ses pairs, en lui conférant une luminosité, digne de la peinture à l’huile.
En 1804, l’artiste ouvre la Turner Gallery, attenante à son logement, pour y exposer ses propres oeuvres. Une section de l’exposition, intitulée « Le culte de l’artiste », reproduit le rouge (indian red) des cimaises choisis par le maître des lieux. Il n’y avait pas de fenêtre, l’éclairage provenait uniquement du plafond, afin de ne pas distraire la contemplation des oeuvres, accrochées de manière très dense.
C’est le philosophe irlandais Edmund Burke (1729-1797) qui définit ce concept dans le traité A Philosphical Enquiry into the Origins of Our Ideas of the Sublime and Beautiful. Si la Beauté est équilibre, ordre, selon une vision qui s’étend de la Renaissance au milieu du XVIIIe siècle, le Sublime est dépassement de cette harmonie. « Comme lorsque l’on est sur les cîmes, que l’on ressent le frisson du vertige », explique Guillaume Faroult, commissaire de l’exposition (conservateur au musée du Louvre). Dès 1780, l’Angleterre illustre cet aspect presque démoniaque de la beauté.
Comme le résume magistralement la dernière peinture de l’exposition, Tempête de neige au large d’un port (1842).
« Il y a parmi ces toiles de Turner, un lac d’eau bleuâtre éthéré, aux contours indéfinis, un lac lointain, sous un coup de jour électrique, tout au bout de terrains fauves. Nom de Dieu! Ca vous fait mépriser l’originalité de Monet et des autres originaux de son espèce » (Edmond de Goncourt, Journal, 18 janvier 1890)…