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Trésors de la Couronne d’Espagne

Un âge d’or de la tapisserie flamande

Jusqu’au 04 juillet 2010

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-TRESORS-DE-LA-COURONNE-D-ESPAGNE—TRESO.htm]

Galerie des Gobelins, 44, avenue des Gobelins 75013, 6€

De véritables trésors. Tel est le leitmotiv de la nouvelle exposition de la Galerie des Gobelins qui présente, dans le cadre de la présidence espagnole de l’Union européenne, une vingtaine de tapisseries flamandes issues des anciennes collections des Habsbourg et appartenant aujourd’hui au Patrimonio Nacional de la Couronne d’Espagne.
Ces chefs-d’oeuvre, éclatants de lumière et de richesse, constituent les plus belles pièces de l’actuelle collection de tapisseries espagnoles. Extrêmement fragiles, elles sortent pour la première fois de leurs réserves.

Comme au XVIe siècle, les tapisseries font partie intégrante de l’inventaire des Trésors conservés dans les palais royaux de la péninsule ibérique. Réalisées à partir de fils de soie, laine, or et argent, elles représentent, après les bijoux et l’argenterie, la troisième source de prestige de la Royauté. Elles témoignent en outre du rôle primordial de la tapisserie dans la politique des grandes monarchies européennes du XVIe siècle.

La richesse de leurs matériaux utilisés en faisait un placement financier. Les tapisseries pouvaient être placées en gage pour obtenir de l’argent comptant. Mais elles ont surtout joué un rôle dans la construction de l’identité impériale.

Au début du XVIe siècle, Marguerite d’Autriche, tante de Charles Quint, puis Marie de Hongrie, soeur de l’empereur utilisent les tapisseries à des fins de propagande politique. Conscientes du pouvoir lié à l’exposition publique et privée des tapisseries, les femmes royales commandent des tentures dont chaque pièce se doit de représenter le monarque puissant et victorieux. Ainsi de la Fondation de Rome dont les cartons sont attribués à l’artiste flamand Bernard van Orley. Cette tapisserie associe Charles Quint (1500-1558) à l’image de Romulus, fondateur de Rome, à qui l’on fait porter la barbe pour l’occasion, alors que Charles V vient d’être couronné empereur du Saint Empire romain germanique à Bologne (1530).

Si les tapisseries sont une affaire de femmes – Isabelle la Catholique (1451-1504), Jeanne la Folle (1479-1555), Marguerite d’Autriche (1480-1530), Marie de Hongrie (1505-1558) -, leur collection a été initiée par les ducs de Bourgogne. Philippe le Hardi initie le mouvement à partir de 1380, en commandant de multiples tentures flamandes figuratives. Il les offrait à ses invités royaux.

Au XVe siècle, Philippe le Bon et Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne, prennent le relai. Chaque cérémonie officielle est régie par un protocole strict. Les tapisseries sont exposées à l’intérieur des palais mais également à l’extérieur, à la vue du peuple. L’idée est avant tout d’impressionner ses amis comme ses ennemis. Les tapisseries sont même itinérantes – on les surnomme les « fresques mobiles du Nord » -, suivant Charles Quint dans ses déplacements à travers ses vastes territoires. Toutefois, nombre d’entre elles restent dans des résidences fixes (le Palais de Bruxelles ou l’Alcazar de Madrid), sous la surveillance des membres de sa famille.

A la fin du XVe siècle, Maximilien d’Autriche (dynastie des Habsbourg) entre en possession des territoires morcelés du duché de Bourgogne.  Par le jeu des alliances, les rois catholiques espagnols héritent des tapisseries. Jeanne de Castille (future « Jeanne la Folle ») épouse Philippe le Beau des Habsbourg. C’est ainsi que les tapisseries flamandes des Habsbourg intègrent les Trésors de la royauté espagnole. A la mort de Philippe II d’Espagne, sa collection comprend 701 tapisseries dont 183 sont aujourd’hui conservées dans la collection d’Etat à Madrid (collection qui rassemble 3100 tapisseries). Les pièces flamandes en représentent l’acmé.

Il n’y a qu’à observer La Charrette de foin, encore appelée La Tentation de saint Antoine, d’après Jérôme Bosch (il ne l’a certainement pas conçue dans sa totalité), pour s’en convaincre. L’oeuvre, jamais sortie d’Espagne, illustre un chariot de foin transportant des diables, tiré par deux chevaux. L’ensemble est placé dans un globe terrestre placé sur une mer peuplée de poissons difformes. « L’idée centrale est la cupidité des hommes devant les choses périssables. La Charrette de foin est interprétée comme un miroir grotesque destiné à dénoncer la part de sottise ou de péché dans différents comportements humains tels que la gourmandise, la débauche, la fourberie… Le globe chancelant de notre univers est le symbole de la précarité de la condition humaine », commente Fernando Checa, commissaire de l’exposition et ancien Directeur du musée du Prado.

Deux autres tapisseries remarquables sont La Fortune (1520-1525) et La Bataille de Zama (1544) de Jules Romain, le plus grand élève du maître de la Renaissance italienne, Raphaël.
La première est réalisée par Pieter van Aelst, pièce qui ouvre la tenture Les Honneurs (comptant neuf tapisseries), commandée par Charles Quint vers 1523.  Le temple de la Fortune est représenté sous une violente tempête. La déesse, dans la partie supérieure, porte les trois symboles du Saint Empire romain germanique – couronne, épée, sceptre impérial -, dont le couronnement de Charles Quint marque l’apogée.
La deuxième correspond, avec cinq autres panneaux, à la première partie de la tenture Les Hauts faits de Scipion. Tirée de Tite-Live sur la seconde guerre punique das l’histoire de Rome, la scène représente l’ultime bataille qui oppose Scipion et l’armée romaine aux Carthaginois.
Les premières tapisseries se distinguent par l’influence des Primitifs flamands tandis la sélection de l’étage supérieur offre un style italianisant, avec des couleurs claires, des volumes et l’introduction des effets de perspective.
Imaginez: chaque mètre de tapisserie représente le travail d’UNE personne pendant UN AN! Or, certaines tentures peuvent mesurer jusqu’à 50m de long… En dehors de la somptuosité des matériaux, le nombre d’heures et de personnes requises font de ces chefs-d’oeuvre des objets d’art d’un prestige incommensurable. D’où les précautions pour les préserver et la chance unique de les voir aujourd’hui à Paris. En dépit de la crise qui a failli couper court au montage de cette magnifique exposition…

PS: Désolée pour le temps de chargement de la page, j’ai du mettre des visuels en plus haute définition qu’habituellement afin que les détails des tapisseries puissent apparaître un tant soit peu.

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