Jusqu’au 24 janvier 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-TEOTIHUACAN—CITE-DES-DIEUX-TEOTI.htm]
Musée du quai Branly, 37 quai Branly / 218 rue de l’Université 75007, 7€
Pour sa rentrée, le musée du quai Branly innove. Tant dans le thème – en lieu et dû des traditionnels arts africains ou océaniens, est mise à l’honneur la civilisation précolombienne – que dans la disposition scénographique. L’exposition Teotihuacan, cité puissante de l’Ancien Mexique fondée au 1er s. avant notre ère, épouse la maquette du site originel, allant jusqu’à respecter son orientation septentrionale. Une reconstitution enrichie d’oeuvres artisanales et de sculptures monumentales qui mettent en lumière les dernières découvertes archéologiques, jamais encore exposées en Europe.
Conçue comme la représentation spatiale de la plus influente « cité de la région du Mexique central et plus grand ville précolombienne », selon les mots de Felipe Solis (directeur du Musée National d’Anthropologie de Mexico et commissaire de l’exposition, décédé il y a peu), Teotihuacan se visite d’ouest en est, et non dans le sens contraire des aiguilles d’une montre comme ma logique singulière a fait guider mes pas! Elle s’ouvre, comme le veut la tradition mexicaine, sur une oeuvre phare: une sculpture architecturale de plus de 2 m. représentant un jaguar sacré, iconographie typique de l’art de Teotihuacan.
L’exposition aborde successivement l’histoire et l’urbanisme de la Cité des dieux – primordiale dans la construction de l’empire précolombien -. Et les deux forces qui ont assis son pouvoir: le militarisme, appuyé sur les sacrifices humains (prisonniers de guerre immolés, mains liés dans le dos, retrouvés à chaque angle de la Citadelle) ou animaliers, et la religion, liée à une approche de l’univers cosmogonique.
Au total, l’exposition rassemble 450 pièces, issues à 95% des collections mexicaines, dont certaines sont conservées depuis une centaine d’années dans les réserves. C’est dire si vous avez peu de chance de les avoir déjà vues!
Teotihuacan a été découverte par les Aztèques, 600 ans après sa chute. Impressionnés par son ampleur et sa beauté, ils la nomment « le lieu où naissent les dieux ». Car les vestiges des pyramides et des palais ne pouvaient, selon eux, avoir été conçus que par des dieux. En réalité, ils ont bel et bien été construits à mains d’homme avec des outils de pierre.
La Cité, située à 2.275 m. d’altitude dans les hautes terres semi-arides du centre du Mexique, a prospéré pendant près de huit siècles, entre -100 av. J.-C. et 650 ap. J.-C. Son apogée se situe entre 250 et 550 ap. J.-C., lorsqu’elle atteint 20 km2. Cent mille habitants la peuplent, régis selon un système oligarchique que les chercheurs n’ont pas encore complètement mis à jour. Ils ne savent toujours pas qui précisément gouvernait la cité, les dirigeants semblant avoir voulu précisément conserver l’anonymat. De même, les scientifiques n’expliquent toujours pas comment un empire aussi puissant, grâce à l’exploitation de l’obsidienne [pierre de coloration habituellement gris-noir qui sur le plateau de Teotihuacan tend vers le vert doré], a pu périclité en un petit siècle (550-650 ap. J.-C.). L’incendie des principaux temples, comme acte de désacralisation pour détruire le pouvoir étatique, serait un des nombreux facteurs de la déchéance de la Cité.
Teotihuacan commence à se développer entre le Ier et le IIe siècle ap. J.-C. – phase d’évolution urbaine appelée Tzacualli – avec la construction des pyramides de la Lune et du Soleil qui incarnent l’identité de Teotihuacan. L’allée des Morts, axe central nord-sud, relie un édifice rituel (pyramide de la Lune/ du Soleil) à la Citadelle qui comprend notamment le temple du Serpent à plumes (Quetzalcoatl). Au sud repose un espace ouvert, considéré comme le marché de la ville.
Une voie est-ouest est ensuite tracée (phase Miccaotli, 150-200 ap. J.-C.), quadrillant la ville en quatre parties ou « quartiers » (2.000 identifiés à ce jour). Ils sont délimités entre eux par des murs longs de 30 à 100 m., comprenant une ou deux entrées. Chaque ensemble abrite 20 à 30 personnes, regroupées selon leur origine ethnique ou leur activité économique.
Une famille dispose d’un « appartement », constitué d’un seul étage recouvert d’un toit plat. Les appartements sont organisés autour d’un patio central qui procure l’air, la lumière et la récupératin des eaux de pluie. Ils partagent la cuisine, les espaces de restauration, de stockage et de déchets. Un autel réside au centre du patio.
Si 95% de Teotihuacan n’a pas encore fait l’objet de fouilles archéologiques sytématiques, les experts s’accordent pour considérer qu’un tel urbanisme ne peut résulter que d’un pouvoir fort et d’une importante organisation institutionnelle.
La forme du gouvernement en elle-même fait l’objet de débats. Y aurait-il eu plusieurs gouvernants, chacun associé à un quartier de la ville, ou bien une seule personne omnipotente?
Les scientifiques sont sûrs d’une chose: l’influence de Teotihuacan s’étend au-delà de la Cité. La ville comporte des quartiers où réside des étrangers immigrés, qui dans un temps sont obligés de suivre les rites locaux, puis parviennent à conserver ceux de leur région d’origine.
A l’inverse, la Cité envoie des ambassadeurs et des marchands à l’extérieur (jusqu’à Monte Alban et plusieurs villes maya), guerre et commerce étant étroitement liés dans le monde mésoaméricain. Les alliances politiques et commerciales sont scellées par l’échange d’objets de luxe comme les plumes de quetzal, le mica ou la jadéite.
La Cité-Etat contrôle en partie la production artistique, lui conférant des canons symboliques lisibles dans les décors des vases en céramique, les peintures murales, le travail de l’os et du coquillage ou encore la taille de la pierre. Quant aux sculptures, elles offrent un panorama de figures géométriques abstraites ou d’êtres humains anonymes. Les Aztèques se sont appropriés les luxueuses offrandes retrouvées dans les ruines de Teotihuacan pour les mettre dans leurs propres sépultures.
Dans la civilisation Teotihuacan, tout semble symbolique, du tracé urbain aux représentations murales et pièces de céramiques à l’effigie des divinités (dieu du Feu, de la Mort, de l’Orage, Serpent à plumes, etc. – une vidéo développe ce sujet dans l’exposition). Ce qui implique le rôle primordial des prêtres, chargés d’obtenir les faveurs des divinités grâce à des liturgies spectaculaires pour implorer fertilité, union politique et rénovation du cosmos. Les chercheurs ont d’ailleurs pensé que les prêtres formaient la classe la plus élevée de la société. Aujourd’hui, il est convenu qu’ils étaient au service d’une classe politique complexe.
Au-delà de la reconstitution scénographique, signée Jakob+Macfarlane, et des pièces exposées (dont une partie provient de la collection de Diego Rivera) d’une rare finesse, le visiteur est plongé dans le monde précolombien grâce à un ingénieux système lumineux. Celui-ci recrée les différents cycles diurnes jusqu’au crépuscule. Ainsi, lorsque vous vous approchez de la maquette de la cité pour lire les légendes, l’éclairage devient sensiblement (avant de lire le dossier de presse, je croyais que c’était mon imagination qui me jouait des tours!) plus lumineux. Les couleurs – camaïeu de gris et rouge – respectent celles des objets exposés et j’ai apprécié la fluidité du parcours rotatif. Une exposition remarquable en tout point de vue.
vous m’avez donné envie d’en chercher davantage – merci. Maintenant je vais pouvoir organiser une sortie pour les enfants afin de les ouvrir aux valeurs précolombiennes
Bonjor! j’ai vu cette exposition à Monterrey au Mexique. Elle est magnifique… a voir et revoir!!