Comment ne pas se prendre pour le Président de la République. Voilà le leitmotiv qui semble régir l’action et la pensée de l’artiste pluridisciplinaire japonais Takeshi Kitano, surnommé Beat Takeshi. Pour la Fondation Cartier, il invente une exposition qui s’apparente à une joyeuse fête foraine. Adultes trop sérieux s’abstenir.
Cinéaste, acteur, animateur d’émissions télévisées, comique, peintre, écrivain, Takeshi Kitano (né en 1947, à Tokyo) multiplie les supports pour exprimer sa foisonnante créativité. Si Beat Kitano est surtout connu en Europe pour ses films, au Japon, il est reconnu pour ses émissions comiques. L’exposition qu’il a conçue à la Fondation Cartier rassemble les deux versants de son talent.
« Gosse de peintre » révèle l’univers décalé, fantastique, impertinent, empreint de la nostalgie de l’artiste pour le monde de l’enfance. L’exposition se conçoit comme une succession d’animations où la participation du visiteur est requise (atelier de peinture, jeux).
« Avec cette exposition, j’ai sans doute voulu amener une autre définition au mot ‘art’, qui soit moins officielle, mois conventionnelle, moins snob, plus ordinaire », explique T. Kitano.
Il propose ainsi sa théorie sur la disparition des dinosaures (au choix: parce qu’ils se sont mis à se droguer, parce qu’ils n’ont aucun sens du rythme, parce qu’ils ne peuvent pas s’essuyer aux WC, etc.), sa vision des mathématiques, celle sur la peine de mort dénonçant au passage qu’elle soit toujours en vigueur au pays du Soleil Levant. Une installation imite les jets de peinture de Pollock, une autre avertit des dangers de l’agriculture transgénique en présentant des poissons déjà garnis de sushi. Une énorme et bruyante machine à vapeur, conduite par deux pieds géants, confectionne un insigne ruban – métaphore de la vanité de l’art contemporain.
Au rez-de-chaussée est exposé pour la toute première fois un ensemble de peintures aux allures naïves de Beat Takeshi. Certaines sont extrêmement colorées, d’autres représentent des créatures hybrides entre animaux et fleurs qui ont été reprises dans son film Hana-bi, pour lequel le cinéaste a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise (1997). Actuellement, les salles de cinéma présentent son dernier film, Achille et la tortue, sur sa condition d’artiste.
Takeshi Kitano s’amuse à dénoncer les clichés des Occidentaux sur son pays dans trois petits skets comiques à ne pas rater. Des extraits de shows télévisés sont également diffusés au milieu d’un décor kitsh, mettant en scène le cinéaste dans des déguisements déjantés.
A l’extérieur, une cabane montre l’esprit du Mal (représenté par un bonhomme assis sur des liasses d’euros) et du Bien (un bouddhiste zen, les fesses sur un tapis volant) qui s’affrontent dans la culture japonaise. Tandis qu’un stand vend des sucreries japonaises et des gauffres typiques, imprimées à la tête de Bouddha et fourrées à la pâte de haricot sucrée.
Passionné par la connaissance et la transmission, curieux de tout, Takeshi Kitano transforme la Fondation Cartier en un parc d’attractions, selon un parcours alternant pédagogie, gags, jeux, images. Un univers joyeux, riche, complexe, dont les clés de compréhension échapperont en partie au public occidental, non doté des référents culturels japonais adéquats. Ce qui ne l’empêchera pas d’apprécier l’esprit satirique de son concepteur.
A noter: Le Centre Pompidou organise jusqu’au 21 juin 2010 une rétrospective de l’oeuvre cinématographique de Takeshi Kitano. Un cycle inédit d’une cinquantaine de films, téléfilms, documents, retrace les multiples aspects de son incroyable personnalité.