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Des tags dans une institution culturelle renommée!

Le Tag – Collection Gallizia

Jusqu’au 03 mai 2009

Grand Palais, Galerie Sud-Est, porte H, avenue Winston Churchill 75008

Le pari était osé. Présenter, dans une institution culturelle historique, une exposition de T.A.G. (Tag And Graff), ça détonne! Le commissaire de l’exposition, Alain-Dominique Gallizia, confirme: il reçoit quotidiennement des lettres désobligeantes de la part des ministères publiques et artistes qui refusent d’exposer en même temps que cet art de la rue… Pourtant, cet architecte et collectionneur de graffiti a tenu bon. Le résultat irradie la galerie Sud-Est du Grand Palais, tout juste restaurée, des couleurs joyeuses de 300 oeuvres, rassemblant plus de 150 artistes internationaux. Une exposition avant-gardiste.

Communément qualifié d' »art sauvage », le tag naît il y a une quarantaine d’années aux Etats-Unis, dans les zones urbaines laissées en friche. Pour les jeunes des quartiers défavorisés, signer leur nom sur des murs en ruine ou dans les tunnels est un moyen de défier les autorités tout en affirmant leur existence. Ils s’approprient l’espace public pour l’égayer de leurs bombes colorées et remplir le vide laissé par le pouvoir.

Selon Henry Chalfant, photographe et parrain de la collection Gallizia, ce qui n’était à l’origine qu’un jeu d’enfant s’est transformé en mouvement artistique sous la pression de la vie urbaine. « Les artistes ont peint des formes et des couleurs cinétiques, hyperactives, qui ne pouvaient exister que sur un objet en déplacement, imitant la vitesse chaotique du réseau ferroviaire de la ville ». En somme, une réaction de fin siècle comme a pu l’être le Futurisme au début du XXe siècle.

Le phénomène s’étend au reste du monde, diffusé par les moyens de communication moderne comme Internet. Le graffiti s’agrège au mouvement musical du Hip Hop et les artistes accompagnent les DJs, B-Boys et MCs (Masters of Ceremony) en tournée.

Lors d’une rencontre impromptue avec un artiste graffeur travaillant sur la palissade d’un chantier, A.-D. Gallizia a un déclic. Il décide de recueillir les empreintes de cet art subversif, souvent sporadique. Depuis, il est parvenu à regrouper les oeuvres d’artistes plus ou moins connus sur trois générations. Le collectionneur s’est engagé à ne pas diviser son trésor afin d’offrir un panorama historique du mouvement, qui a explosé dans les années 1980, sous l’influence de Jean-Michel Basquiat (1960-1988). Cet artiste new-yorkais, qui taggait le bas de Manhattan, signait ses tags SAMO pour Same Old Shit. La première oeuvre de l’exposition lui rend hommage.

Basquiat s’était associé au performer et MC Rammellzee, lui-même aujourd’hui souffrant mais qui a tenu à faire le voyage depuis les Etats-Unis pour assister au vernissage de l’exposition, et à Torrick Ablack, plus connus sous le nom de TOXIC, pour former les Hollywood Africans – nom d’une célèbre oeuvre de Basquiat de 1983, conservée au Whitney Museum -.

L’exposition rassemble ainsi les pionniers du graf essentiellement américains (Blade, Crash qui a fait son entrée au MoMA, IZ THE WIZ, Quik, SEEN, StayHigh – créateur de l’image du Saint, représenté avec une auréole et fumant un joint -, Taki 183). Mais aussi italien (BO130), brésilien (Nunca a peint un colosse maladroit buvant une tasse de thé sur la façade de la Tate Gallery à Londres pendant l’été 2008) et français (Bando qui revendique que « Graffiti is not vandalism but beautiful crime« , Jay One, Psyckoze).

Les artistes de la collection ont tous du se conformer à un certain nombre de règles, dont le format – une double toile de 60 x 180 cm – et le thème de l’amour. Ces conditions ont permis de mettre en exergue le style particulier de chacun tout en offrant un panorama global de cet art jeune et coloré.

« Chaque toile est l’empreinte d’un mouvement et le souvenir d’un passage », commente le commissaire. « Le résultat en est une histoire sur l’histoire elle-même, que je vous invite à découvrir… »

N’en déplaise aux puristes, l’exposition s’intègre parfaitement dans le Grand Palais. Les cimaises brutes du premier étage de la Nef évoquent les murs sombres de la ville et constrastent avec les oeuvres, pétillantes de couleurs, fraîches et bouleversantes. Absolument l’opposé de ce que l’on pourrait penser d’un art de la rue underground. Certes, adouci ici par la thématique universelle de l’amour.

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