Souvenirs d’Italie (1600-1850) – Chefs-d’oeuvre du Petit Palais
Jusqu’au 17 janvier 2010
Musée de la vie romantique, 16, rue Chaptal 75009, 7€
Première initiative du genre, le Petit Palais investit l’Hôtel Scheffer-Renan (musée de la Vie romantique) pour exposer une sélection d’oeuvres réalisées par des artistes ayant tous visité l’Italie des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Leur thème favori: les ruines architecturales, les monuments de la Renaissance, la mythologie et les beautés romaines. Paysages pittoresques et cieux lumineux caractérisent ainsi un art sur le point de devenir caduque, comme l’expérimentera à ses dépends Hubert Robert…
Le premier artiste renommé à entreprendre le voyage initiatique dans la Péninsule latine est l’Allemand Albrecht Dürer (1471-1528). Un siècle plus tard, le « Grand Tour », ainsi dénommé par les aristocrates britanniques, est un passage obligé pour les jeunes artistes. Qu’ils soient lauréats du Grand Prix de Rome, décerné annuellement par les Académiciens. Ou artistes provinciaux et peintres paysagistes qui ne peuvent pas concourir au Grand Prix – réservé aux peintres d’histoire – mais qui séjournent dans la ville éternelle grâce à des mécènes, amateurs d’art. Le Grand Tour les conduit de Rome à Gênes, Florence, Venise, Naples, Herculanum, Pompéi, où les fouilles après l’éruption du Vésuve en l’an 79 commencent, et Paestum, où les jeunes gens apprennent à distinguer l’architecture grecque de sa conseur romaine.
Au XVIIIe siècle, la ville des Lumières détrône Rome mais le voyage dans la ville éternelle reste de mise et ce jusqu’au XIXe siècle au moins. Napoléon Ier écrivait à ce sujet: » Tandis que le reste de l’Europe envie nos richesses, nos jeunes talents vont encore au sein de l’Italie, échauffer leur génie à la vue de ses grands monuments et respirer l’enthousiasme qui les a enfantés » (1805).
Claude-Joseph Vernet et Hubert Robert (1733-1808), tous deux exposés, en sont d’illustres exemples. En captant les variations de lumière transalpine, ils renouvellent le genre du paysage (cf. Cascatelles de Tivoli peintes par Vernet en 1740/48 et par Robert en 1776).
Hubert Robert se spécialise dans la peinture de ruines, au point d’être surnommé « Robert des ruines ». Il séjourne plus de dix ans en Italie avant de rentrer en France, où il est reçu Académicien. Il expose des oeuvres de monuments antiques à Rome et des environs et devient la coqueluche des amateurs d’art. Beaumarchais fait dès lors appel à lui pour décorer le salon de son hôtel particulier, situé à proximité de la place de la Bastille. Grande déception! Le commanditaire reproche à l’artiste de brosser trop rapidement les huit panneaux représentant les plus célèbres statues antiques, copies romaines de statues grecques que l’on prenait alors pour des originaux hellènes.
Cherchant en vain, en quoi l’artiste aurait expédié ses oeuvres, je recquiers l’aide de la commissaire de l’exposition, Marilyne Assante di Panzillo (conservateur du Patrimoine au Petit Palais): « Il faut le reconnaître, Beaumarchais était un snob! Les peintures de J.L. David [1748-1825] révolutionnent les goûts picturaux. David développe un toucher lisse, des lignes finies et des teints clairs qui rendent caduques l’idéal baroque des XVIe et XVIIe siècles. H. Robert a retravaillé ses nuages et la couleur du ciel ainsi que le contour de quelques personnages. Mais la postérité a gardé en mémoire la plainte de Beaumarchais ». L’exposition vise à redorer le blason de ces toiles pittoresques, qui sortent pour la première fois depuis un siècle des salons de l’Hôtel de Ville.
Les autres oeuvres clés de l’exposition sont les eaux-fortes de Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1682), la Marietta de Camille Corot (1796-1875), mise en parallèle avec la Palombella de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), les dessins de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), les huiles de François-Marius Granet (1775-1849) et les aquarelles de l’architecte Charles Garnier (1825-1898).
Le mot de la fin reviendra à F.-R. de Chateaubriand, qui affirmait que « tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines […] Quand elles sont placées dans un tableau, en vain on cherche à porter les yeux autre part: ils reviennent toujours s’attacher sur elles. » (Génie du christianisme, 1802).