Routes d’Arabie: Archéologie et histoire du Royaume d’Arabie saoudite
Jusqu’au 27 septembre 2010
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-ROUTES-D-ARABIE-RABIE.htm]
Musée du Louvre, hall Napoléon (entrée par la pyramide), 75001
Depuis la Renaissance, l’Europe s’intéresse à la péninsule arabique et aux merveilles, culturelles et culinaires, qu’elle produit. Une curiosité aiguisée par le fait que les lieux saints étaient interdits aux non-musulmans. Berceau de l’Islam, l’Arabie saoudite a été le centre d’une civilisation prospère, au carrefour d’échanges commerciaux, ouverte à de multiples influences. C’est cet art pré- et post- islamique que l’exposition phare du musée du Louvre, « Routes d’Arabie: Archéologie et histoire du Royaume d’Arabie saoudite », présente pour la toute première fois.
Plus de 300 chefs-d’oeuvre ont quitté les réserves des musées saoudiens pour être dévoilés à Paris, avant même d’être exposés au public saoudien.
L’exposition se décompose en deux parties: la période antique – de la préhistoire à l’apparition de l’Islam – et la période islamique qui conduit à la naissance du Royaume d’Arabie saoudite avec l’avènement de la dynastie des Saoud.
En dépit d’un climat aride, la péninsule arabique bénéficie d’oasis, qui permettent aux caravaniers reliant le sud du pays à la Mésopotamie, aux côtes levantines et au bassin méditerranéen, de faire étape.
Les routes permettent la commercialisation de l’encens (indispensable pour les cérémonies religieuses et la fabrication de cosmétiques, parfums, produits médicinaux), de la myrrhe et des aromates. Ce commerce est l’un des plus lucratifs du monde proche-oriental pré-islamique. Comme en témoignent les sépultures de Gerrha: pièces de monnaie en bronze, masques funéraires en or, gantelets en or, colliers sertis d’or, perles fines, rubis et turquoises. On attribue même à ses maisons des murs incrustés de perles et recouverts d’or et d’ivoire. Citée fortifiée à l’emplacement encore imprécis (attribué à Thâj, au nord-est du royaume), Gerrha a été le moteur économique de la région du golfe Arabique vers 300 av. J.-C. Pendant l’été 1998, un groupe d’archéologues saoudiens du musée régional de Dammam y a exhumé le tombeau d’une petite fille inhumée comme une princesse; parée de bagues, boucles d’oreilles, bracelet, gant, ceinture, et de plus de deux cents boutons en or. Elle est entourée d’appliques circulaires en or dont certaines sont gravées à l’effigie de Zeus, ce qui permet de dater sa sépulture de la période hellénistique et atteste des échanges entre l’Arabie et le monde méditerranéen.
En dehors de cette fonction commerciale, les oasis, notamment celles du Hedjaz (au nord-ouest) comme Taymâ et Al-‘Ulâ, développent des activités agricoles, grâce aux eaux souterraines abondantes qui permettent la culture de palmiers et de vergers. L’exploration du site de la « nouvelle Pétra », Hégra (ou Madâ’in Salih, inscrit depuis 2008 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO), qui a débuté en 2010 sous la direction d’une équipe franco-saoudienne, a révélé quatre grands ensembles. Outre les champs et fermes de l’oasis ont été mis à jour un secteur de nécropoles composées de tombeaux rupestres monumentaux, une zone résidentielle et des installations religieuses.
En effet, les routes commerciales deviennent à partir du VIIe siècle des voies de pèlerinage vers les lieux saints de l’Islam (La Mecque et Médine).
Les fouilles d’al-Rabadha ont révélé des objets datant du début de la période islamique, entre le VIIe et le Xe siècle, notamment de grandes jarres à glaçure bleu turquoise produites en Iraq et des décors d’oxydes métalliques polychromes.
Les stèles du cimetière d’al-Ma’lâ (au nord de La Mecque), qui a accueilli les sépultures de personnages importants de l’Islam, permettent de donner de précieux témoignages sur les coutumes anciennes de recueillement face à la mort. Mais elles révèlent aussi que ces dalles de pierre, porteurs d’inscriptions sur l’identité des défunts et d’épitaphes, contreviennent aux règles originelles de l’austérité musulmane, qui imposaient que les tombes ne soient distinguées par aucun signe ni structure.
Une austérité largement contredite par la suite par l’attitude des souverains musulmans qui rivalisent de largesses envers les lieux saints afin de laisser l’empreinte de leurs noms. Après les califes omeyyades, abbassides et fatimides, les Mamluks et les Ottomans dotent les sanctuaires de somptueuses tentures de soie, meubles à Coran, manuscrits écrits en lettres d’or, ou brûles-parfum. Mais la palme revient sans conteste au sultan ottoman Murad IV (1623-1640) qui dote la Ka’ba d’une porte monumentale.
Pourtant, à mes yeux, les pièces phares de l’exposition restent les vestiges de plusieurs statues des anciens rois du Lihyân qui ont régné dans le nord du royaume il y a plus de deux mille ans. Elles ont été découvertes récemment sur la montagne Umm Daraj et reflètent les influences esthétiques de l’Egypte ancienne: statues en pied, hiératiques, bras tendus le long du corps, poings fermés, pied gauche en avant, vêtues d’un pagne court. Elles se distinguent par la musculature du torse et l’importance accordée aux détails: bracelets, voile et cordelette pour le fixer, poignard glissé dans la ceinture du pagne. Fascinantes.
Enfin, le parcours est ponctué de photographies grands formats d’Humberto da Silveira que l’on aurait aimé, à l’heure de la technologie moderne, dynamiques (un diaporama doit quand même être dans les moyens du musée du Louvre!). La succession des nombreuses stèles, un brin lassante pour un public néophyte, permet néanmoins d’apprécier l’évolution et la diversité des styles de l’écriture arabe, depuis les écritures dites angulaires ou kufiques des premiers siècles aux écritures cursives, au tracé plus souple, qui se développent à partir du XIIe siècle.